Ouverture d'un fonds "Michel Chaillou" au département des Manuscrits
  Le romancier Michel Chaillou a fait don des manuscrits de Collège Vaserman, son deuxième roman édité en 1970, et de 1945, le récit autobiographique qu'il vient de publier, lauréat en 2004 du prix Ouest du Printemps du Livre et du Prix Breizh.
  Chroniques : Pourquoi avoir choisi la BnF pour ce don ?

Michel Chaillou : Je suis quelqu'un qui croit beaucoup au patrimoine littéraire.
Les bibliothèques m'emplissent d'émotion, depuis toujours. J'ai une sorte d'attrait affectif pour la BnF : Nerval, qui est l'écrivain que je place au-dessus de tout,
s'y rendait souvent. D'autre part, les œuvres d'un de mes arrière-grands-oncles compositeur d'opéras, Louis-Gustave Canoby, sont conservées au département de la Musique. Aussi, de savoir que mes manuscrits sont à la Bibliothèque nationale de France me touche beaucoup.
Pour moi, la BnF est un orgue : il faut apprendre à jouer sur toutes les touches. Quand je cherche un livre, pas le sujet d'un livre, - je ne crois pas au sujet en art -,
je vais à la “BN” et je lis au hasard. Pendant un temps, je lisais au hasard au fichier "matières", mon attention simplement retenue par la splendeur des titres.
Pour moi, un livre commence par des mots. Le mot reste mystérieux. Il sonne, résonne. Un de mes livres, Le Rêve de Saxe est né à la “BN”, de la contemplation des livres. Je crois que l'écriture est une lecture. Ecrire, c'est lire un livre qui n'existe pas encore. Pour écrire, il faut lire. Pour moi, l'acte le plus mystérieux n'est pas l'écriture, mais la lecture.

Ch. : L'écriture de Collège Vaserman est très différente de celle de 1945.

M. Ch. : Oui. Collège Vaserman est un roman en prose et en vers, un ouvrage burlesque. Cette initiation à un théâtre imaginaire au répertoire inconnu s’intitulait, comme on peut le voir sur le manuscrit, Théâtre Vaserman. L'adaptation que j'en ai faite pour France Culture n'a pas moins de 80 personnages. J'essaie d'y faire résonner les mots comme s'ils étaient à la fois sur la scène, dans le trou du souffleur et dans la salle, et de faire entendre "l'écho" : c'est très important "l'écho" parce que c'est la voix qui vous revient, chargée du poids du temps qu'elle a mis pour revenir. Au fond, chacun de mes livres est un arbre d'échos dont je secoue le feuillage pour entendre les voix qui tombent.

Ch. : 1945, votre dernier texte autobiographique, n'est-il pas en revanche l'ouvrage d'une seule voix ?

M. Ch. : C'est un récit de vérité, l'envers "vrai", non fictif, d'un de mes romans, La Croyance des voleurs. Comme le côté pile d’une même pièce jetée en l’air - l'air d'années disparues - que je m’efforce à nouveau de faire chanter.

Ch. : Quels sont vos projets ?

M. Ch. : J'ai plusieurs ouvrages en préparation. Mais ce que j'aimerais faire, c'est essayer de m’expliquer à moi-même ce que je crois être la littérature.

Propos recueillis par Marie-Laure Prévost et Florence Groshens


Bibliographie (extraits) :
Jonathamour (Gallimard, 1968 et "Folio", 1991)
Collège Vaserman (Gallimard, 1970)
Le Sentiment géographique (Gallimard, 1976 et "L'Imaginaire", 1989)
Domestique chez Montaigne (Gallimard, 1983)
Le Rêve de Saxe (Ramsay, 1986 et "Folio", 1988)
La Croyance des voleurs (Seuil, 1989 et "Points" n° P893). Prix des Libraires.
La France fugitive (Fayard, 1998 et Livre de poche, 2001)
Indigne Indigo (Seuil, 2000). Prix littéraire de la ville de Caen.
Le Matamore ébouriffé (Fayard, 2002 et Livre de poche, 2004). Prix de la langue française.
1945 (Seuil, 2004).