La Russie dans les collections sonores de la BnF
  Le département de l'Audiovisuel propose environ 10 000 documents sonores consacrés à la culture russe. Ce fonds - couvrant l'histoire des supports du disque 78 tours au disque compact - illustre l’édition phonographique russe des années 1898 à nos jours. Il relève de la collection patrimoniale consultable en Rez-de-jardin. Il est accessible sur le catalogue BN Opale Plus (bnf.fr)
 

Les différents modes d’accroissement et les étapes successives qui y contribuèrent permettent de couvrir la culture russe, au travers des éditions russes et internationales : par des enrichissements successifs de documents entrés par don ou acquisition, par le dépôt légal, enfin par l’acquisition d’un fonds spécifique, la collection Godovitch.


Dons et acquisitions :

Notamment, parmi les plus anciens enregistrements figurent 288 disques 78 tours publiés par la firme Pathé vers 1910 et remis en 1912 aux Archives de parole, institution "fondatrice" du département de l’Audiovisuel, qui venait d’être créée. Cette collection, à caractère national, présente des répertoires de diverses régions de la Russie impériale : chant et art lyrique enregistrés en Russie occidentale et musique traditionnelle collectée dans le Caucase.

Par cette filière, le département s’est certes enrichi d’éditions discographiques russes, mais également de documents concernant la culture russe, édités en Europe ou aux Etats Unis. Ainsi, la lecture par Tolstoï (1) lui-même d’un extrait tiré de son œuvre ou un chant liturgique interprété par Chaliapine (2). L’illustrent également des éditions françaises en langue russe : la lecture d’extraits d’Assia de Tourgueniev et d’Eugène Onéguine de Pouchkine par l’actrice russe Maria Guermanova, exilée en France depuis les années vingt, sous la marque française Hébertot
(réf. FY 6000, ca 1934), ou des chansons d’étudiants de Moscou par le chœur et l’orchestre de A. de Scriabine,
Pathé (X 96149, 1931).
Enfin, de grands compositeurs russes vivant un temps hors de leur pays enregistrèrent pour des éditeurs étrangers. Serge Prokofiev enregistre son Concerto n° 3 en do majeur pour la Gramophone française en 1931, Serge Rachmaninov fixe son interprétation pianistique de la Rhapsodie n° 2 de Franz Liszt (3) pour Edison aux Etats Unis (ca 1921) ou de son Deuxième concerto en do mineur (4) pour la Gramophone (ca 1930).

Enrichissement par le dépôt légal :
A partir de 1940, la Phonothèque nationale reçoit la production discographique éditée et diffusée en France par la voie du dépôt légal. A ce titre, l’éditeur français le Chant du monde fut, de 1950 à 1980, le vecteur principal des enregistrements réalisés en URSS pour leur diffusion en France, permettant ainsi de découvrir des artistes soviétiques se produisant difficilement hors de leur pays (Tatiana Nikolaïeva, Evgueni Mravinsky … , ou le chanteur, auteur-compositeur Vladimir Vissotski). Il les diffusait soit sous label Melodiâ dans des éditions destinées à l’exportation, soit sous son propre label. A partir de 1993, le circuit de distribution de Melodiâ s’est modifié au gré d’accords passés entre l’éditeur russe et BMG Ariola France.

Le contenu reste à dominante musicale. Il permet également d’entendre, dans des rééditions, la voix de grands hommes politiques russes, notamment celle de Léon Trotsky. On y trouve aussi des lectures, le plus souvent dans une traduction française, de grands auteurs russes du XXème siècle : Anna Ahmatova, Alexandre Blok, Boulgakov, Maïakowski, Boris Pasternak
Enfin, à partir des années 70, des éditeurs discographiques français ont développé un catalogue consacré aux musiques traditionnelles. La Russie y est représentée, notamment par les labels Ocora et UNESCO, publié par Auvidis – musiques d’Azerbaïdjan, d’Ouzbekistan, du Tadjikistan ou de Touva…


La collection Godovitch achetée au docteur Alexandre Godovitch en 1991, alors qu’il s’apprêtait à émigrer en Israël, représente 5800 documents. Environ 60% du fonds, soit 3 500 documents, reflète la production discographique russe sous ses diverses dimensions, tant éditoriale que dans son contenu.
Du point de vue de l’édition, se dégagent deux périodes de part et d’autre de la révolution de 1917. Jusqu’à la première guerre mondiale les grandes firmes étrangères installent une filiale en Russie. Cela commence très tôt, avec Emile Berliner, éditeur américain d’origine allemande, qui ouvre sa filiale russe vers 1898. Après 1900, la Gramophone anglaise, la firme française Pathé, les maisons allemandes Beka et Homokord ont une branche en Russie. Néanmoins, dès cette époque apparaissent quelques labels proprement russes – Artistotipiâ, Ekstrafon, Russkoe akcionernoe obsestvo grammofonov (5) … Environ 1 500 documents témoignent de cette diversité.

Après 1917, l’édition discographique soviétique s’impose à travers une multiplicité de labels qui prolifèrent durant les années vingt et trente – Gramplasttrest, Kro, Leningradskij zavod… Puis deux labels dominent la production : Aprelevskij Zavod et Melodiâ, sous l ‘égide du Ministère de la Culture pour ce dernier. Ce fonds se monte à environ 1 500 disques.

À noter l’esthétique des étiquettes qui ornent le centre des disques "78 tours". Leur illustration est très élaborée avant 1917, s’inspirant parfois de l’Art nouveau. Celles du début de l’ère soviétique témoignent de l’art socialiste dans les années vingt, époque où soufflait encore un vent de liberté artistique, comme en témoignent ces diverses représentations de travailleurs mis en scène avec un disque ou un phonographe, un paysage industriel couvrant la ligne d’horizon.
Sur quelques exemplaires, les deux époques cohabitent, provenant d’une réutilisation de disques plus anciens, une nouvelle étiquette ayant été apposée au verso.

Le contenu est en majorité musical : art lyrique, chant liturgique (avant 1917), chansons traditionnelles et populaires.
Les grandes voix russes de l’opéra y sont présentes. On trouve aussi quelques documents parlés : discours d’hommes politiques – Lénine, Kalinine, Staline…, mais aussi des lectures par des acteurs de grands auteurs russes : Gorky, Lermontov, Tolstoï

Aujourd’hui le dépôt légal, principale source d’enrichissement des fonds du département en éditions contemporaines russes, s’est tari à cause de l’évolution des circuits d’importation. Néanmoins, de grands interprètes russes, parmi la génération actuellement en activité (Nikolaï Lugansky, Viktoria Mullova…), enregistrent pour des éditeurs discographiques internationaux couverts par le dépôt légal.

Bruno Sebald


Télécharger les enregistrements
Lénine
Tolstoï
Chaliapine

Contacts :
Département de l'Audiovisuel

Pascal Cordereix, responsable du service des documents sonores
Bruno Sébald, service des documents sonores, responsable des des fonds anciens

Les collections audiovisuelles et multimedia de la BnF sont également constituées de vidéogrammes, de multimedias multi-supports et de documents électroniques. La Russie est également présente dans ces fonds. Une sélection de ces documents, et d’imprimés concernant la Russie, est présentée, salle B, dans la Bibliothèque d’étude.

(1) Gramophone GC-31329
(2) His master’s voice DB 1701
(3) Edison-recreation 82169/82170
(4) His master's voice DB 7427/DB 7431
(5) Cf l’étiquette présentée en annexe



Réalisé avec la collaboration de F.G.