Chroniques : Dans La femme du boucher,
écrit en 1983, vous montrez l'épouse d'un boucher
lubrique, mariée contre son gré, qui tue son mari
et dépèce son corps. Quel est le sens de la violence
qui imprègne ce roman ?
Li Ang : La violence n'est qu'un moyen de rendre sensible
la brutalité terrible de l'oppression. Cela ne peut que mener
à la violence. Lorsque je relis le roman aujourd'hui, je
me rends compte que les scènes de violence sexuelle, telles
que je les ai écrites, suffisent à révéler
la face sombre de l'être humain.
C. : Comment
vous situez-vous par rapport à la littérature de Taïwan
?
L. A. : J'ai été et je reste un écrivain
controversé à Taïwan. C'est probablement une
des raisons qui me poussent à continuer d'écrire.
Je veux prouver que ce que j'écris a une valeur, est important
pour la littérature. Parce que je touchais à un sujet
tabou - le sexe, je n'étais pas bien acceptée. Cela
a changé depuis peu, avec les évolutions récentes
de la situation politique et sociale. Le pays tout entier s'est
ouvert ; je peux à présent écrire ce que je
veux sans être insultée.
C. : Comment
envisagez-vous votre rôle en tant qu'écrivain, et particulièrement
en tant qu'écrivain femme ?
L. A. : Parce que je suis une femme, je dois affronter bien
des difficultés que n'ont pas à affronter les écrivains
hommes. Mais c'est aussi une chance : celle d'explorer un monde
jusqu'ici inaccessible aux femmes dans notre culture. C'est comme
attraper des poissons dans une mare où peu de femmes chinoises
ont pu venir auparavant. Ce qui fait qu'il y a abondance de gros
poissons à pêcher - mais seulement si vous en êtes
capable ! C'est très encourageant pour moi de penser qu'un
monde nouveau est à découvrir et que si ce que j'écris
est suffisamment bon, je serai la première femme à
avoir traité de ces sujets.
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Biographie
Li Ang, pseudonyme de Shih Shu-tuan
née en 1952 Diplômée de l'université de Taïwan Suit
des études aux Etats-Unis dans les années 1970 Grande
figure de la dissidence de Taïwan de par ses prises
de position en faveur de l'indépendance du pays et de
la libération sexuelle.
A obtenu, en 1983, l'équivalent taïwanais du Goncourt.
Vit à Taïwan.
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Publications
en français
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La
femme du boucher, traduction
Alain Peyraube et Hua-Fang Vizcara, Flammarion, Paris,
1992. Tolbiac - Salle F - 895.1 LIa femm Arsenal- 8-K-12956
Edition Seuil , 1994 Tolbiac- 16-Y2-44019 (660) |
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Ouvrage en chinois
à la BnF
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Sha fu, 1983 Tolbiac - Salle
F - 895.1 LIa shaf |
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Extrait de
La femme du boucher Flammarion
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"
Montrer ainsi aux masses une perverse
qui a tué son mari, même si elle n'était
pas coupable d'adultère, permet de confronter la
morale, qui en a bien besoin, en ces temps incertains
où des femmes réclament, à l'instar
des Occidentales, une quelconque égalité
avec les hommes, voulant, par exemple, faire des études
dans des écoles étrangères et apparaître
ainsi au grand jour, faisant fi des principes millénaires
qui ont toujours régi le compor-
tement des femmes vertueuses.
Il est à espérer que le traitement infligé
à Chen Lin Shi les fera réfléchir
". |
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