Rencontres littéraires franco-chinoises 
Interviews de 4 écrivains chinois
Questions à Ying Chen

Chroniques : Vous écrivez en français. Pourquoi ?
Ying Chen : J'ai appris le français à 18 ans et je vis au Canada francophone depuis douze ans. Je voulais écrire depuis l'enfance, mais j'ignore pourquoi cela a été d'abord en français. À Montréal, vers 1990, le désir d'écrire l'emporta sur tout, y compris sur la question de la langue. Ce désir est devenu plus fort que jamais, sans doute dû au dépaysement, à la déstabilisation soudaine, au moment même où la langue française était très présente dans ma vie. La vie a fait le choix pour moi et je me suis contentée de suivre.

C. : Vous traduisez vos propres textes en chinois. Que vous apporte le dialogue entre ces deux langues ?
Y. C. : En travaillant dans les deux langues, je découvre qu'il y a très peu d'éléments intraduisibles. Cette expérience renforce ma croyance en la possibilité du dialogue entre des langues et des cultures, et mon espoir en une fusion des solitudes. Écrire en deux langues est un peu comme jouer de deux instruments différents.
Beaucoup de peine et de plaisir.

C. : Comment vivez-vous la coexistence, en vous, de deux cultures, occidentale et chinoise ?
Y. C. : Au début, je considérais la Chine comme une vieille mère difficile et l'Occident comme un amant incertain. Avec le temps, je me détache de l'une et de l'autre. J'essaie de mettre les deux sur le même plan, en sorte qu'ils composent un seul paysage. Une culture est comme un courant d'eau, il coule, s'adapte aux formes de la terre tout en la transformant, se joint parfois aux autres courants, continue son chemin et un jour, il disparaîtra peut-être, mais il y aura toujours de l'eau, j'espère. J'aimerais être une petite pierre assise parmi des courants.

C. : En quoi votre écriture est-elle liée à l'exil ?
Y. C. : Je crois que je suis dans cette condition depuis ma naissance, depuis le moment où j'ai ressenti la peine de la rupture originelle, du détachement et de la solitude, où j'ai perçu une faille sur mon chemin avant même de commencer. Ce sentiment était à son comble lorsque j'ai quitté Shanghai.
Je dois mes livres à cela.

SB
Biographie
Ying Chen
née en 1961 à Shanghai,
obtient une licence en lettres
françaises à l'Université de Shanghaï en 1983.
A appris le russe, l'italien, l'anglais et le français.
Quitte la Chine en 1989 pour aller étudier au Canada.
Obtient une maîtrise en création littéraire en 1991.
Vit près de Montréal.

Publications en français
La mémoire de l'eau, Leméac, Actes Sud, 1992 Tolbiac - Salle H - AME84 YING 4 memo et Rez de jardin -16-Z-29663 (224)
Lettres chinoises, Leméac, 1993 Tolbiac -Salle H - ASI84 SZEN 4 immo et Rez de jardin -2000-53949
L'Ingratitude, Léméac-Actes Sud, 1995 (en lice pour le prix Fémina) Tolbiac - Salle F- 895.1 CHENy 4 ji e et Rez de jardin -8-Y2-113137 et 2000-57533 Arsenal 8-K-16539
Immobile, éditions Boréal, Actes Sud, 1998. Tolbiac - Salle H - ASI84 SZEN 4 immo et Rez de jardin -1998-1585

Extrait Immobile, Actes Sud
" …Dans cette pièce remplie d'inconnus j'ai refait le voyage qui m'a conduite de ma mort à ma naissance. C'était comme un bref passage, un silence entre deux notes, une note entre deux silences, au cœur d'une humidité sombre. Quelques heures suffisent, dit-on, pour parcourir la voie maternelle, et pourtant cela paraît m'avoir pris des siècles, puisque je ne reconnais plus ce monde. "