La BnF 5 ans après - Les autres projets de bibliothèques : U3M

Cinq ans après l’ouverture des salles de lecture du Haut-de-jardin (bibliothèque d’étude) du site François-Mitterrand, le paysage des bibliothèques à Paris et en Ile-de-France va connaître des bouleversements, qui conduiront la BnF à des réajustements en terme de publics et d’offre documentaire.
Quatre questions à Daniel Renoult, ancien directeur général-adjoint de la BnF, chargé de mission pour le Plan Université du troisième millénaire (U3M).


Chroniques.fr : En quoi consiste le Plan Université du troisième millénaire (U3M) ?
DR : Le Plan Université du troisième millénaire se fixe comme objectif la construction d’un schéma concerté de développement de l’enseignement supérieur et de la recherche pour les quinze années à venir. Le financement de ce projet s’appuie sur un partenariat Etat/Régions/Collectivités locales et s’étalera sur la durée de deux contrats de plan (2001-2006 puis 2007-2015).

Ch : Quelles perspectives concernent plus particulièrement les bibliothèques ?
DR : Le contrat de plan porte leur une attention particulière. Pour les bibliothèques de l’enseignement supérieur en Ile de France, un investissement de plus d’un milliard de francs est inscrit dans le plan Etat/Région. Cette préoccupation se traduit notamment par l’engagement de la Ville de Paris et de la Région Ile de France pour la réalisation d’importantes opérations. Le recteur de Paris a créé un comité stratégique des bibliothèques d’Ile de France, que je préside et qui a remis un rapport d’étape préconisant une stratégie en cinq points :

- création de 7000 places de lecture nouvelles, soit une augmentation du tiers de la capacité d’accueil actuelle,

- recentrage de la stratégie de développement sur l’usager et la fourniture de services,

- priorité au fonctionnement en réseau en s’appuyant sur des infrastructures à haut débit,

- maîtrise des coûts de fonctionnement.

Cette stratégie a été validée par l’ensemble des partenaires du contrat de plan.
Plusieurs opérations immobilières portant sur la construction et la rénovation de bibliothèques sont d’ores et déjà engagées. Cet effort exceptionnel permettra, nous l’espérons, une meilleure cohérence des projets en Ile de France. Il devrait contribuer à l’amélioration de la mise en réseau des bibliothèques, aussi bien sur le plan technique et scientifique que dans la perspective d’une amélioration globale des conditions d’enseignement et de recherche. Tels sont les objectifs du Comité

Ch : Quels sont les projets de bibliothèques prévus dans la proximité de la BnF ?
DR : La ZAC rive gauche va être le cadre de l’implantation de plusieurs nouveaux ensembles.
Un des projets les plus importants consiste en la construction d’une nouvelle bibliothèque universitaire de 1800 places pour l’université Paris VII (actuellement à Jussieu). Installée dans les Grands Moulins, cette construction fait actuellement l’objet d’un concours d’architecture. Cette bibliothèque destinée aux étudiants en lettres, en sciences humaines et en sciences devrait voir le jour à partir de 2004-2005.
Le pôle Langues et civilisations du monde constitue le deuxième projet d’envergure prévu sur la ZAC. Plusieurs ensembles dispersés dans Paris vont être regroupés pour y offrir en un même lieu des activités d’enseignement, de recherche et de documentation dans les langues et civilisation suivantes : Europe centrale et orientale, Asie, Océanie, Afrique, civilisations amérindiennes. En tout, sept établissements d’enseignement supérieur, dont bien entendu l’INALCO (Institut national d’étude des langues et civilisations orientales) participent à ce projet qui devrait aboutir à une nouvelle bibliothèque de 1200 places répondant aux normes bibliothéconomiques actuelles.
Deux autres projets sont susceptibles d’intéresser la Bibliothèque nationale de France : la création d’une nouvelle bibliothèque de 1200 places destinée à des étudiants du 1er et du 2ème cycle sur le site de l’ancien collège Sainte-Barbe, qui viendra participer à la redéfinition de l’ensemble documentaire exceptionnel de la montagne Sainte-Geneviève en créant d’indispensables salles de lecture pour les étudiants.
Enfin, l’installation de la prestigieuse bibliothèque littéraire Jacques Doucet est prévue dans le cadre d’un grand projet de l’université Paris III sur l’îlot Poliveau.

Ch : Quelles répercussions ces projets auront-ils sur la BnF ?
DR : Il faut rappeler que le développement harmonieux de la Bibliothèque nationale de France suppose la poursuite des efforts engagés pour les bibliothèques universitaires. Dans la perspective des réalisations en cours, le nombre de places de lecture considérablement accru à Paris en rééquilibrant l’offre, va aussi probablement contribuer à faire fléchir le pourcentage actuellement très élevé de fréquentation de la BnF par des étudiants. De plus, les prévisions en ce qui concerne le nombre des étudiants dans Paris intra muros pour les années à venir vont plutôt dans le sens d’une stabilisation. La BnF pourrait ainsi être amenée à accueillir un public plus diversifié. Il faut bien admettre, en effet, que le Haut-de-jardin comme la BPI sont devenues en partie des bibliothèques universitaires de substitution compte-tenu du déficit aussi bien en places de lecture qu’en collections placées en libre-accès. La BnF suit attentivement le développement de ces projets, qui la conduiront à rationaliser avec les autres établissements l’accueil des étudiants, à envisager un partage raisonné des compétences documentaires et une concertation en matière de numérisation des collections. Déjà très impliquée dans le monde de la recherche par sa politique de « pôles associés », la BnF possède une expérience de pionnière en matière de coopération.

Par ailleurs, le raccordement de la BnF à des réseaux à haut débit prévu fin 2001 va lui permettre une implication encore plus profonde dans le monde de la recherche universitaire, auquel elle va offrir un accès plus rapide aux contenus de sa bibliothèque numérique, Gallica, première bibliothèque en ligne francophone.

La BnF possède les atouts qui lui permettront de faire face aux évolutions permanentes des métiers de la documentation et aux pratiques des usagers auxquelles est aujourd’hui confronté le monde des bibliothèques. Il faut cependant prendre garde à ne pas considérer les perspectives ouvertes par U3M comme trop lointaines : l’avenir se prépare dès à présent et nous n’avons pas trop de temps pour concevoir et organiser les nouveaux services à offrir aux lecteurs de demain.

Marie-Noële Darmois