Vincenzo Coronelli
(1650-1718), frère mineur franciscain et cosmographe de la
sérénissime République de Venise, avait réalisé
pour le duc de Parme, Ranuccio Farnèse,
une paire de globes de 1,75 m de diamètre chacun. Impressionné
par leur beauté lors d'une visite au duc, le cardinal d'Estrées,
alors ambassadeur de Louis XIV à la cour de Rome, en commanda
de beaucoup plus grands à Coronelli dans l'intention de les
offrir au Roi-Soleil.
© David Carr/BnF |
Les globes furent fabriqués à Paris entre 1681 et 1683.
Cette construction fut marquée par toutes sortes d'innovations
; par exemple, celle qui conduisit à représenter sur
le globe céleste la configuration des constellations
au 5 septembre 1638, jour de la naissance de Louis
XIV, et à y porter des indications sur leurs courses
respectives de 1600 à 1700. C'est donc l'état de la
science de l'époque qui s'y trouve présenté,
notamment l'indication du parcours de quelques comètes. Pour
l'élaboration du globe terrestre, Coronelli bénéficia
du concours des corps savants de l'Observatoire, de l'Académie
des sciences et de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
En cela,
ces globes apportent un témoignage exceptionnel sur la vision
de l'univers au XVIIe siècle. Chacun des globes, terrestre
et céleste, mesure 3,88 mètres de diamètre, et
4,87 mètres en incluant les méridiens et les cercles
d'horizon. Montés sur des pieds en bronze, ils atteignent une
hauteur d'environ 8 mètres. Lors de leur installation au château
de Marly en 1703, les pavillons qui les accueillirent avaient dû
être modifiés et complétés par une galerie
à mi-hauteur, d'où les visiteurs pouvaient les admirer
de plus près.
© David Carr/BnF |
Bien qu'ils aient rencontré un succès considérable,
Louis XIV les envoya au Louvre en 1715, puis à la Bibliothèque
royale, où ils devaient être exposés de 1782 à
1901, avant d'être relégués à l'Orangerie
de Versailles et, dernière tribulation contemporaine, à
la Villette (où l'on pensa, un temps, les installer à
la Cité des sciences et de l'industrie), puis au musée
de Marly...
Deux projets qui restèrent sans suite. Ainsi, au XXe siècle,
ils n'auront été présentés que le temps
de l'exposition Cartes et figures de la Terre, au Centre Georges-Pompidou,
en 1980 ! Leur retour à la BnF, sur le site François-Mitterrand,
est rendu possible grâce à la générosité
d'une banque mécène, Natexis Banques Populaires. En
effet, le déménagement, le transport et la rénovation
de ces objets monumentaux constituent en soi des prouesses techniques
qui n'auraient pu être envisagées sans un financement
considérable : Natexis Banques Populaires apporte 800000 euros,
nécessaires au rapatriement des globes à la Bibliothèque
dès l'automne – après une halte au Grand Palais,
qui fête sa réouverture au public, à l'occasion
des Journées européennes du patrimoine 2005.
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Les étapes
d'un transfert historique
Les opérations de transfert se dérouleront en
plusieurs étapes. La manipulation de ces objets aussi
volumineux que fragiles doit être effectuée dans
des conditions hautement professionnelles. Leur grande valeur,
leur fragilité, leur poids considérable impliquent
un conditionnement que seule une entreprise de transport très
spécialisée peut prendre en charge. Le transport,
par convois sécurisés, fera aussi l'objet d'un
traitement exceptionnel.
Détails de la décoration
des globes: le témoignage de l'exploration progressive
des continents et des découvertes de l'astronomie le
dispute à la mythologie et au culte du Roi-Soleil ©
David Carr/BnF
L'installation des deux sphères à la Bibliothèque
nécessite une logistique particulière,
qui exigera le démontage de la façade vitrée
du hall Ouest afin de faciliter leur entrée à
l'aide d'une grue. Les planchers du hall auront été
préalablement renforcés pour supporter le poids
des globes. Une mise en espace et en lumière épurée,
valorisée par une structure transparente,
a été préférée à une
présentation classique sur pieds de bronze (conçus
plusieurs années après les globes eux-mêmes).
Ces hypothèses de travail font encore l'objet de discussions,
où interviennent des arguments techniques, financiers,
scientifiques et historiques.
Il paraît acquis que la restauration des globes sera visible
par le grand public...
Une sensibilisation à laquelle contribue fortement l'émission
de Patrick de Carolis, Des
racines et des ailes, diffusée ce mois-ci, lors
de l'exposition des globes au Grand Palais, à l'occasion
de sa réouverture au public. |
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