Une belle opération de mécénat : les globes de Coronelli de retour à la BnF
  De longue date, la BnF souhaitait installer sur le site François-Mitterrand les deux globes de Coronelli, chefs-d'œuvre de la cartographie baroque.
Offerts à Louis XIV, ils furent domiciliés en 1703 au château de Marly avant d'être renvoyés au Louvre, puis à la Bibliothèque royale, où ils seront exposés dans un Salon des globes aménagé par Robert de Cotte. Après d'autres tribulations aux XIXe et XXe siècles, et une trop longue période de mise en caisse, leur rapatriment à la BnF, permis par le généreux mécénat de Natexis Banques Populaires, sera l'occasion de révéler au grand public leur remarquable valeur esthétique et scientifique.
  Les globes deCoronelli
Montés sur un squelette en bois, le Ciel et la Terre furent recouverts de plusieurs couches de toiles mélangées à du blanc d'Espagne. La dernière et plus fine couche reçut les peintures, décors et inscriptions © David Carr/BnF
 
Vincenzo Coronelli (1650-1718), frère mineur franciscain et cosmographe de la sérénissime République de Venise, avait réalisé pour le duc de Parme, Ranuccio Farnèse, une paire de globes de 1,75 m de diamètre chacun. Impressionné par leur beauté lors d'une visite au duc, le cardinal d'Estrées, alors ambassadeur de Louis XIV à la cour de Rome, en commanda de beaucoup plus grands à Coronelli dans l'intention de les offrir au Roi-Soleil.

Détails de la décoration des globes
© David Carr/BnF

Les globes furent fabriqués à Paris entre 1681 et 1683. Cette construction fut marquée par toutes sortes d'innovations ; par exemple, celle qui conduisit à représenter sur le globe céleste la configuration des constellations
au 5 septembre 1638, jour de la naissance de Louis XIV, et à y porter des indications sur leurs courses respectives de 1600 à 1700. C'est donc l'état de la science de l'époque qui s'y trouve présenté, notamment l'indication du parcours de quelques comètes. Pour l'élaboration du globe terrestre, Coronelli bénéficia du concours des corps savants de l'Observatoire, de l'Académie des sciences et de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. En cela,
ces globes apportent un témoignage exceptionnel sur la vision de l'univers au XVIIe siècle. Chacun des globes, terrestre et céleste, mesure 3,88 mètres de diamètre, et 4,87 mètres en incluant les méridiens et les cercles d'horizon. Montés sur des pieds en bronze, ils atteignent une hauteur d'environ 8 mètres. Lors de leur installation au château de Marly en 1703, les pavillons qui les accueillirent avaient dû être modifiés et complétés par une galerie à mi-hauteur, d'où les visiteurs pouvaient les admirer de plus près.

Détails de la décoration des globes
© David Carr/BnF

Bien qu'ils aient rencontré un succès considérable, Louis XIV les envoya au Louvre en 1715, puis à la Bibliothèque royale, où ils devaient être exposés de 1782 à 1901, avant d'être relégués à l'Orangerie de Versailles et, dernière tribulation contemporaine, à la Villette (où l'on pensa, un temps, les installer à la Cité des sciences et de l'industrie), puis au musée de Marly...
Deux projets qui restèrent sans suite. Ainsi, au XXe siècle, ils n'auront été présentés que le temps de l'exposition Cartes et figures de la Terre, au Centre Georges-Pompidou, en 1980 ! Leur retour à la BnF, sur le site François-Mitterrand, est rendu possible grâce à la générosité d'une banque mécène, Natexis Banques Populaires. En effet, le déménagement, le transport et la rénovation de ces objets monumentaux constituent en soi des prouesses techniques qui n'auraient pu être envisagées sans un financement considérable : Natexis Banques Populaires apporte 800000 euros, nécessaires au rapatriement des globes à la Bibliothèque dès l'automne – après une halte au Grand Palais, qui fête sa réouverture au public, à l'occasion des Journées européennes du patrimoine 2005.

Marie-Noële Darmois
 
Les étapes d'un transfert historique

Les opérations de transfert se dérouleront en plusieurs étapes. La manipulation de ces objets aussi volumineux que fragiles doit être effectuée dans des conditions hautement professionnelles. Leur grande valeur, leur fragilité, leur poids considérable impliquent un conditionnement que seule une entreprise de transport très spécialisée peut prendre en charge. Le transport, par convois sécurisés, fera aussi l'objet d'un traitement exceptionnel.

Détails de la décoration des globes
Détails de la décoration des globes: le témoignage de l'exploration progressive des continents et des découvertes de l'astronomie le dispute à la mythologie et au culte du Roi-Soleil © David Carr/BnF

L'installation des deux sphères à la Bibliothèque nécessite une logistique particulière,
qui exigera le démontage de la façade vitrée du hall Ouest afin de faciliter leur entrée à l'aide d'une grue. Les planchers du hall auront été préalablement renforcés pour supporter le poids des globes. Une mise en espace et en lumière épurée, valorisée par une structure transparente,
a été préférée à une présentation classique sur pieds de bronze (conçus plusieurs années après les globes eux-mêmes).

Ces hypothèses de travail font encore l'objet de discussions,
où interviennent des arguments techniques, financiers, scientifiques et historiques.
Il paraît acquis que la restauration des globes sera visible par le grand public...

Une sensibilisation à laquelle contribue fortement l'émission de Patrick de Carolis, Des racines et des ailes, diffusée ce mois-ci, lors de l'exposition des globes au Grand Palais, à l'occasion de sa réouverture au public.