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François Augiéras à
Domme vers 1958. © Jarlan |
Les papiers de François Augiéras
ont été retrouvés par son fidèle ami,
Paul Placet, douze ans après la mort de l'écrivain,
qui a fini sa vie dans la misère,
le 13 décembre 1971, à l'hospice de Montignac (Périgord).
Venu en pèlerinage à l'hospice en 1983, Paul Placet
demanda à visiter le grenier.
Quelques curieux étaient passés avant lui, mais il restait
"un tas d'un mètre de haut,
le fatras d'une vie d'artiste, un trésor aux allures de
dépotoir", "sa bibliothèque".
Dans ce fatras, se trouvaient de précieuses archives remises au notaire,
qui les transmit à l'exécuteur testamentaire de François
Augiéras, Jean Chalon.
Ce sont ces papiers qui ont aujourd'hui trouvé le chemin de
la bibliothèque de l'Arsenal.
Né en 1925 à Rochester, dans l'État de New York,
d'un père pianiste et professeur de musique (emporté
par une appendicite purulente peu avant sa naissance) et d'une mère
polonaise, peintre sur porcelaine, François Augiéras mena
une vie vagabonde "aux allures de légende", où la
réalité dépassait la fiction, comme en témoigne
de manière éclatante Serge Sanchez
dans la biographie qu'il lui a consacrée.
Son œuvre puise dans ses expériences vécues : Le
Vieillard et l'enfant et Le Voyage
des morts sont nés de ses aventures en Algérie et de
ses rencontres avec l'oncle Marcel Augiéras,
colonel de l'armée française retiré en plein
désert algérien ;
Une adolescence au temps du maréchal,
L'Apprenti sorcier sont un témoignage
brûlant de sa jeunesse en Périgord ; Un
voyage au mont Athos est dû à ses séjours dans
les monastères orthodoxes où il était venu apprendre
l'art de l'icône. Enfin sa dernière œuvre,
la plus achevée, la mieux construite selon lui, Domme
ou l'essai d'occupation, est le fruit de sa vie dans
les grottes de Domme où il se réfugiait pour méditer
et écrire, fuyant l'enfer de l'hospice.
Des cahiers d'écolier à grands carreaux
À propos de ce dernier texte, qui ne trouva pas d'éditeur
malgré l'aide de Jean Chalon, François Augiéras
écrivit à ce dernier : "La non-publication
de ce livre me gêne terriblement dans l'idée que je suis
accoutumé de me faire au sujet de mon destin :
j'ai accepté – ou appelé – de dangereuses
aventures, toujours avec cette arrière-pensée : ça
deviendra des livres ! Si ça reste en manuscrit, ma vie à
Domme ne fut qu'une cruelle et bien inutile aventure. […] Bien
sûr, c'est du réalisme fantastique et il est certain
que nombre d'éditeurs ne peuvent pas se permettre de publier
ce genre littéraire…".
Les quatre boîtes d'archives qui viennent d'entrer à
l'Arsenal renferment les dix-huit cahiers manuscrits de cette œuvre
majeure de François Augiéras, quelques cahiers manuscrits
du Voyage au mont Athos (5 cahiers), de Zizara
(1 cahier), du Voyage des morts (quelques
fragments).
Il s'agit de cahiers d'écolier à grands carreaux,
aux textes couverts d'abondantes reprises, ajouts ou suppressions,
dont certains portent encore les traces de leur rédaction dans les
grottes, de la terre séchée glissée entre les feuillets.
À côté des manuscrits littéraires, on trouve
quelques lettres échangées avec sa famille, son oncle Marcel
Augiéras,
sa femme, Viviane de La Ville de Rigné,
avec ses amis – Paul Placet, Jean Boyé,
José Correa, Roger
Bissière entre autres, ou encore avec André
Gide, Marguerite Yourcenar, Yves
Bonnefoy – auxquels il avait envoyé son premier ouvrage
Le Vieillard et l'enfant, publié
à compte d'auteur sous le pseudonyme d'Abdallah
Chaamba.
Ces archives personnelles contiennent également quelques photographies
fort endommagées par le temps, photographies de famille et portraits
de l'écrivain sur les différents lieux de son existence
en Afrique (Algérie, Maroc, Mali, Tunisie), en Grèce et au
Périgord, photographies des toiles peintes par lui dans les grottes
ou dans le grenier de l'hospice. "Ma
plus belle œuvre d'art serait-ce ma vie ?" se demandait
François Augiéras.
Ses biographes Serge Sanchez et Paul Placet en ont fait un chef-d'œuvre.
Avec Jean Chalon, ils contribuent à faire connaître magnifiquement
l'homme et son œuvre, donnant ainsi raison au peintre Roger
Bissière qui écrivait dans une lettre à François
Augiéras : "On vous rendra enfin justice,
mais les hommes sont longs à s'émouvoir de ce qui les dépasse."
Jean Chalon,
Le Diable ermite, lettres à
Jean Chalon, 1968-1971.
Préface du destinataire. Paris : Éd. de la Différence,
2002.
Paul Placet,
François Augiéras,
un barbare en Occident. Biographie. Éd.
de la Différence, 2006.
Serge Sanchez,
François Augiéras,
le dernier primitif. Biographie. Grasset,
2006.
Les lundis de l'Arsenal
Lundi 23 octobre 2006
François Augiéras
Bibliothèque de l'Arsenal - 1, rue de Sully – 75004 Paris.
Avec Serge Sanchez. Lecture par Édouard
Prétet, comédien (sous réserve). |