Gustave Le Gray et la photographie
; Gustave Le Gray est un des précurseurs de la photographie. Il invente et met au point essentiellement trois procédés : le négatif sur verre au collodion, le négatif sur papier ciré sec et le virage au chlorure d'or pour les tirages. Sa formation de peintre ajoute un sens esthétique à ses prouesses techniques. Il connaît une période de gloire et de célébrité sous Napoléon III mais ses exigences de qualité ne résisteront pas à la montée de la photographie commerciale.

Marine, le vapeur

"Pour moi, j'émets le vœu que la photographie, au lieu de tomber dans le domaine de l'industrie, du commerce, rentre dans celui de l'art."

Gustave Le Gray


Daguerre met au point le daguerréotype, premier procédé photographique qui, utilisant une plaque de cuivre argenté, produit une image unique. Les peintres comme Delacroix, lui préfèrent le calotype, mis au point par Fox Talbot, dont le rendu est plus artistique et fait intervenir le papier. Mais ces premières photographies sur papier manquaient de netteté. Gustave Le Gray apporte sa contribution par ses découvertes successives à l'amélioration du procédé photographique.

Lors de son séjour à Rome, il étudie les manuscrits de Léonard de Vinci décrivant ses essais de l'image à la chambre noire et mène déjà quelques expériences De retour en France, il pratique aussi bien le daguerréotype que le tirage sur papier. En compagnie de François Arago, il photographie l'éclipse du soleil le 9 octobre 1847. Il ouvre un atelier et reçoit de nombreux élèves tels le comte Aguado, de Laborde, conservateur au Louvre et Maxime Du Camp qui lui confiera, par la suite, les tirages de ses photographies prises lors de son voyage en Orient.

Le Gray expérimente, dès 1849, une nouvelle substance, le collodion. Il interrompt ses recherches et se trouve ensuite en rivalité avec l'Anglais Frederick Scott Archer qui complète le procédé et revendique la découverte. Une technique précédente utilisait l'albumine ou le blanc d'œuf pour lier les sels d'argent mais la découverte du collodion étalé sur une plaque de verre améliore grandement le temps de pose et la netteté du rendu.

En 1851, Gustave Le Gray invente un autre procédé qui ne lui est pas contesté : le négatif sur papier ciré sec. Il cire le papier négatif avant l'exposition lui donnant une transparence proche du verre. Le papier permet ainsi de rendre les détails avec plus de finesse.
Au fur et à mesure de ses inventions, il les présente à l'Académie des sciences, publie des manuels et il écrit dans son Traité que l'avenir de la photographie est tout entier dans le papier. Il reçoit plusieurs médailles lors des Expositions universelles de Paris, Londres, Bruxelles... Il participe à la création de la Société héliographique et de la Société française de photographie (SFP).

Gustave Le Gray, reconnu comme un maître inégalé par le raffinement de ses tirages, voit les commandes affluer. De nombreux portraits de cette époque prouvent déjà sa grande maîtrise, tel celui de Louis-Napoléon Bonaparte juste avant qu'il ne devienne Napoléon III. Il est parmi les cinq photographes choisi par la Mission héliographique avec son ami Le Secq pour garder en mémoire le patrimoine architectural de la France. De cette commande datent ses photographies de l'escalier du château au Blois, du pont du Gard...
Dans ses photographies de la Forêt de Fontainebleau, qu'il prend en compagnie de Charles Nègre en 1849 et avec John B. Greene en 1852, il joue également avec l'exposition de l'épreuve positive. Un tirage plus sombre donne une impression de profondeur et de mystère à la forêt alors qu'une autre épreuve exposée moins longtemps, donne un rendu plus intense aux feuillages et aux troncs.
Une autre de ses pratiques consiste à utiliser deux négatifs distincts pour équilibrer le ciel et la mer comme dans la Grande Vague.
En 1858, il invente un nouveau procédé qu'il dépose également : le virage au chlorure d'or pour le tirage des épreuves sur papier albuminé donnant de très beaux tons de noir et du velouté aux ombres.
Grâce à l'appui financier de son commanditaire, le marquis de Briges, il ouvre un luxueux atelier au 35 bd des Capucines, et a pour voisins les frères Bisson. Nadar viendra s'installer dans le même immeuble quelques temps après. Cette période, 1855-1859, correspond à ses plus grands succès : marines, camp militaire de Châlons sur Marne. Mais la photographie devient de plus en plus une activité commerciale ce qui nuit à la production, alors que Le Gray privilégie une certaine qualité artistique. Il perd le soutien de son commanditaire.

Portrait d'Alexandre Dumas
Fuyant ses dettes, il part avec Alexandre Dumas. Il devient momentanément un véritable " photographe de presse ", correspondant de guerre en prenant les ruines de Palerme en Sicile où se bat Garibaldi pour l'unité italienne. Il poursuit son voyage, engagé par le Monde illustré pour couvrir les troubles de Syrie. A Baalbek, il photographie les ruines du temple de Jupiter et finit par s'installer en Egypte où il conserve une certaine notoriété grâce aux commandes princières.
Mais loin des avancées photographiques et de la France, il meurt oublié et pauvre.



Le soleil couronné, 1856

Redécouvert depuis quelques années, Gustave Le Gray est considéré aujourd'hui comme le chef de file de la photographie d'art et ses épreuves présentées dans les salles des ventes atteignent les prix les plus hauts du marché. Juste retour des choses puisque Gustave Le Gray, mort dans la misère, voulait hisser la photographie au rang d'un art équivalent à la peinture.

EK
www.sfp.photographie.com

Louis Daguerre, 1787-1851
Partage avec Nièpce l'invention de la photographie.

William Henry Fox Talbot,
1800-1877
Inventeur du procédé négatif positif, en 1841, qu'il nomme calotype.
François Arago, 1786-1853
Astronome, physicien et homme politique. Présente à l'Académie des sciences et des beaux-arts, en 1839, l'invention de la photographie par Daguerre.


Maxime Du Camp, 1822-1894
G. Le Gray lui donne des leçons de photographie.


Frederick Scott Archer,
1813-1857
Publie ses recherches dans la revue
The Chemist en 1850.
Société héliographique
Le Gray participa à sa création avec Le Secq et Nègre, début 1851. Elle a pour but d'encourager les perfection-nements techniques de la photographie, d'exposer et de décerner de nombreux prix d'encouragement.

SFP Société française de photographie
Fondée en 1854 par O. Aguado, H. Bayard, E. Durieu, le Baron Gros, G. Le Gray...
Elle existe toujours et a son siège rue de Richelieu. Elle est dépositaire de riches collections d'images et d'appareils anciens.


Mission héliographique
La Commission des Monuments historiques décide en 1851, de procéder à un inventaire photographique de certains monuments nécessitant une restauration urgente ou qui viennent d'être restaurés. Elle fonde la Mission héliographique qui sélectionne 5 photographes : Baldus, Bayard, Le Secq. Le Gray et Mestral.
Henri Jean-Louis Le Secq,
1818-1882
Elève de Delaroche. Fait parti de la Mission héliographique.

Charles Nègre, 1820-1880
Elève de Delaroche. Se sert de la photo en 1848 comme préparation à ses peintures. Est connu pour ses paysages, et photos d'architectures

John B. Greene, 1822-1856
Archéologue américain. Prend également les bas-reliefs de l'Arc de Triomphe en compagnie Le Gray. Meurt au Caire.
Louis-Auguste Bisson, 1817-1876 et Auguste-Rosalie Bisson, 1826-1900.
Il créent un établissement photographique réputé.

Félix Tournachon, dit Nadar, 1820-1910
Célèbre pour ses nombreux portraits. Cite longuement Le Gray dans ses mémoires.

Alexandre Dumas, 1802-1870
Ecrivain, très populaire, Les 3 mousquetaires, Le Reine Margot, Le Comte de Monte Cristo, soutient Garibaldi dans sa lutte. Le prochain numéro de la Revue de la BnF lui sera consacré. Une Nuit Alexandre Dumas est également prévue à la Bibliothèque de l'Arsenal.