Les acquisitions de la BnF - "La peine de mort est abolie"
  Vingt-cinq ans après l'abolition de la peine de mort en France, Rober Badinter vient de faire don à la BnF du manuscrit du discours historique qu'il prononça devant l'Assemblée nationale,
le 17 septembre 1981.
 
Marqué par l'exécution de Buffet et Bontemps en 1972(1), farouche partisan de l'abolition de la peine de mort, Robert Badinter s'illustra jusqu'en 1980 comme avocat dans des affaires criminelles où se posait la question de l'exécution capitale(2). Garde des Sceaux, ministre de la Justice en 1981, il présenta et soutint devant le Parlement le projet de loi abolissant la peine de mort. En cela, il achevait le combat abolitionniste ouvert en 1791 par Le Peletier de Saint- Fargeau et poursuivi, entre autres, par Lamartine en 1838, Victor Hugo en 1848, Aristide Briand et Jean Jaurès en 1908(3). Robert Badinter laisse apparaître sa détermination avec force, humanisme et conviction dans le brouillon de la première version de son discours.
Composé en août 1981 chez le couple d'écrivains Paul Guimard et Benoîte Groult, près de Lorient, ce texte vivant porte de nombreuses corrections, tout en témoignant d'un travail d'écriture continu.

Cette première version présente de légères variantes par rapport au discours définitif, que Robert Badinter n'eut de cesse de retoucher jusqu'au moment de le prononcer : "Plus qu'aucun autre dans les dernières années, le sort a fait que j'ai mené dans les prétoires où se
jouait la vie d'un homme, le combat contre la peine de mort. Mais il ne pouvait aboutir que par votre volonté. Demain, il sera clos. Demain, grâce à vous, la justice française ne sera plus une justice qui tue. Demain grâce à vous, il n'y aura plus pour notre honte commune, de ces exécutions furtives à l'aube naissante dans nos prisons. Demain grâce à vous, les pages sanglantes de notre justice seront closes, et la guillotine à sa place au musée. Au nom de notre justice, dont à cet instant, plus qu'aucun autre sans doute dans ma vie, j'ai conscience d'assumer le ministère, législateur français, de toutes mes forces, d'avance, je vous remercie."
Par ce discours, il répondait aux paroles que Victor Hugo prononça à l'Assemblée nationale le 15 septembre 1848 : "Vous ne l'abolirez pas peut-être aujourd'hui ; mais n'en doutez pas, vous l'abolirez ou vos successeurs l'aboliront demain ! [...] Je vote l'abolition pure, simple et définitive de la peine de mort."

Le 18 septembre 1981, l'Assemblée nationale réunie en session extraordinaire adopta l'ensemble du projet de loi par 363 voix contre 117 ; le 30 septembre, le Sénat fit de même ; le 9 octobre 1981, François Mitterrand signait la loi n° 81-908 portant abolition de la peine de mort.
Clément Pieyre


(1) Robert Badinter, L'Exécution, Paris, Grasset, 1973, 211 p.
(2)
Id., L'Abolition, Paris, Fayard, 2000, 326 p.
(3) Voir dossier consacré à l'abolition de la peine de mort sur :
www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/abolition-peine-mort/index.shtml