Les acquisitions de la BnF - La Chartreuse de Parme
  Le manuscrit de l'un des plus importants romans français du XIXe siècle, généreusement offert par Pierre Berès, entre à la BnF.
 
Grâce à la générosité de Pierre Berès, qui vient de faire don du manuscrit de La Chartreuse de Parme, un élément capital pour la compréhension de l'œuvre de Stendhal devient accessible à la recherche. Les circonstances de la conception et de la publication du roman sont bien connues : du 4 novembre au 25 décembre 1838, Stendhal écrit La Chartreuse de Parme,
"ce roman sur l'Italie moderne" auquel il songe depuis plusieurs années. Il envoie le texte à son cousin Romain Colomb qui en vend les droits au libraire Ambroise Dupont pour deux mille cinq cents francs. Du 6 février au 26 mars 1839, Stendhal corrige les épreuves et le livre paraît début avril en deux volumes in-8°. En cinq mois tout au plus donc, et avec une étonnante rapidité et concentration dans le travail, La Chartreuse de Parme voit le jour.
La spontanéité, la vivacité et le caractère d'improvisation du style du roman reflètent l'urgence de la composition chez un romancier que "cela [...] glaçait que de suivre un plan".
Or, dès la parution du roman, Balzac s'enthousiasme.
Le 25 septembre 1840, dans un long article de la Revue de Paris, il fait le point : "M. Beyle a écrit un livre où le sublime éclate de chapitre en chapitre. Il a produit, à l'âge où les hommes trouvent rarement des sujets grandioses et après avoir écrit une vingtaine de volumes extrêmement spirituels, une œuvre qui ne peut être appréciée que par les âmes et par les gens vraiment supérieurs. Enfin il a écrit Le Prince moderne, le roman que Machiavel écrirait s'il vivait banni de l'Italie au XIXe siècle […]".
Cependant, Balzac fait également part de ses réserves quant à la correction du style, qu'il juge négligé par endroits,
et quant à la structure de la première partie. Entre autres conseils, il incite ainsi Stendhal à commencer par la bataille de Waterloo, événement historique, et non par le tableau de Milan, lieu de l'enfance du héros, Fabrice del Dongo. En juin 1840, à Rome et à Civitavecchia, Stendhal se remet donc au travail en vue d'une nouvelle édition qui tienne compte des remarques de Balzac. Cest de ce travail de réécriture que le manuscrit constitue le dossier. En effet, Stendhal revoit son texte sur de grands feuillets verts dont de nombreux portent biffures, ajouts et corrections. La campagne de révision modifie notamment le début : Stendhal envisage de remplacer la première phrase, "Le 15 mai 1796, le général Bonaparte fit son entrée dans Milan à la tête de cette jeune armée qui venait de passer le pont de Lodi, et d'apprendre au monde qu'après tant de siècles César et Alexandre avaient un successeur", par "Le monde était à la veille de la bataille de Waterloo. Le 3 avril 1815, cinq heures venaient de sonner à l'horloge de l'Arsenal...".
Pourtant, le 9 février 1841, Stendhal renonce soudain à cette seconde Chartreuse de Parme : "Je reviens à l'ordre actuel", écrit-il à même le manuscrit. Ce faisant, il abandonne l'idée d'un début "à la Balzac" et choisit de faire passer l'Histoire et la Politique au second plan, derrière l'histoire individuelle du héros. Le manuscrit porte donc aussi témoignage de la fidélité de Stendhal à son style propre.
Entré dans les collections du département des Manuscrits, le manuscrit est conservé sous la cote NAF 28056 (1-5).
Il est le plus corrigé des trois dossiers génétiques répertoriés du roman, les deux exemplaires conservés respectivement à la Pierpont Morgan Library de New York et à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris ne comportant que des corrections de détails et non de structure.
Guillaume Fau