Des nouveaux usages de la lecture
Bibliothèque numérique Gallica : profil de l’usager
Soucieuse de faire évoluer en termes de contenu, d’architecture et d’ergonomie l’offre de sa bibliothèque en ligne Gallica, la BnF a participé, d’octobre 2001 à janvier 2003, à un projet de recherche baptisé BibUsages.

© Wilfrid Rouff / BnF
Piloté par France Télécom (Recherche & Développement) et subventionné par le ministère de la Recherche dans le cadre d’un appel à projet Réseau national de recherche en télécommunications (RNRT) portant sur les nouveaux usages,
le projet BibUsages avait pour objet de renseigner sur la façon dont les utilisateurs appréhendent les bibliothèques électroniques et dont ils en intègrent l’usage dans leurs pratiques quotidiennes du Web.
Pour cela, ont été mesurées la fréquence des connexions, leur durée et les manipulations opérées en rapport avec le contexte de recherche qui avait conduit les utilisateurs à s’intéresser à la bibliothèque numérique.
Une sonde a donc été installée sur les postes informatiques d’un panel représentatif d’utilisateurs, afin de capter, avec leur accord, leur activité sur Internet, en général, et sur Gallica, en particulier.
Cent volontaires (d’un profil socio-démographique cohérent par rapport à celui observé lors d’une enquête menée en 2002) ont ainsi été sélectionnés. En majorité, il s’agissait de cadres de la fonction publique et du secteur privé, d’une moyenne d’âge de 48 ans, et plutôt citadins. Quelque 15 500 sessions ont été enregistrées, en respectant l’anonymat des utilisateurs, puis analysées par relecture des adresses de pages ou de sites visités. Des entretiens individuels approfondis ont ensuite été menés avec quelques membres de ce panel pour affiner l’interprétation de l’analyse des transactions.

La recherche de contenus à lire

Sur les 17 sites de bibliothèques numériques identifiés, Gallica est arrivée en tête en termes d’utilisation. La richesse de ses contenus éditoriaux explique sans doute cette importante fréquentation. On observe que celle des bibliothèques électroniques va de pair avec celle de sites qui proposent "des contenus à lire" (portails de type "médias de presse")
et des sites de "e-commerce" de biens culturels.
Autres constats : les utilisateurs assidus de Gallica sont aussi des assidus de la Toile (sur la période, on compte en moyenne de 3,1 à 23,5 sessions par semaine). Les 1 063 sessions comportant un accès à Gallica sont plus longues que les autres, et la durée totale de consultation est en moyenne de 24 minutes. Cette fréquentation se caractérise par des pratiques spécifiques : les internautes se livrent peu à la consultation simultanée de plusieurs sites et à la navigation alternée. Dans 52 % des cas, la navigation sur Gallica occupe en effet une seule séquence et, pour 22 % des sessions seulement, on compte deux séquences distinctes sur Gallica.
D’autre part, cette consultation est peu ou pas (dans 75 % des cas) alternée avec la visite d’autres sites. Un important recours aux moteurs de recherche atteste de l’utilisation de ce site comme source d’informations, notamment, pour alimenter un contexte de recherche. Cette observation se confirme par l’inventaire des autres sites consultés au cours d’une même session et explique le fait que l’accès par le catalogue soit peu utilisé. Les sites personnels,
sur-représentés dans les sessions "avec Gallica", s’imposent comme sources de données sur des sujets pointus par effet d’échange entre spécialistes. En revanche, les sites de type "médias de presse" sont moins présents dans ces sessions. Les utilisateurs de Gallica sont, certes, de grands consommateurs de journaux en ligne, mais l’accès à ces deux types de sites ne correspond pas aux mêmes pratiques et intervient plutôt dans des contextes différenciés.

Gallica, réservoir de textes

Plusieurs "portraits types" d’usagers se sont dégagés de cette étude :

le chercheur d’informations, qui utilise Gallica comme une "source d’informations primaires" parmi d’autres et conjointement avec des moteurs de recherche dans un cadre professionnel ou de hobby ;
le bibliophile, qui recourt à Gallica pour anticiper un achat ou un emprunt, et dont l’objectif reste l’objet-livre. Le site assure alors une médiation vers la sphère marchande ;
le lecteur à l’écran, qui déplace ses habitudes de grand lecteur du papier vers l’écran. C’est un profil rare
(un entretien sur 16).

Pour la majorité des lecteurs, Gallica est utilisée comme un réservoir de textes. On retrouve chez eux, globalement, le profil du chercheur amateur. La lecture en ligne est rare. On peut plutôt parler de "consultation-navigation".
Le recueil de ces données va contribuer à une analyse plus poussée de l’utilisation des contenus et des métadonnées* de Gallica. Les modalités de recherche et de navigation dans l’interface de ce site, tracées dans le détail par la sonde, font apparaître que si Gallica a été conçue comme une bibliothèque pourvue d’un catalogue, si ses ressources ont été classifiées et ses parcours thématiques organisés, son utilisation est bien aussi celle d’un important réservoir d’informations sur Internet, utilisé par un nouveau public manipulant les "outils Web" pour la recherche,
la navigation et le téléchargement de documents.

Thierry Cloarec


*Métadonnées : données descriptives ou techniques, non visibles, placées en deçà du fichier et permettant (notamment dans le contexte évoqué ici) d’indexer les pages Web afin que les moteurs de recherche les repèrent plus vite.

En savoir plus
http://gallica.bnf.fr