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L’année 1900 se termine mal pour José
Maria de Heredia, auteur des célèbres Trophées.
Quand il descend de son Parnasse, le poète ne déteste pas
fréquenter les salles de jeux où il vient de laisser toute
sa fortune. Des amis le sauvent de la ruine en lui obtenant la place d’administrateur
de la bibliothèque de l’Arsenal, poste qu’il occupera
de février 1901 jusqu’à sa mort, en 1905.
L’Arsenal conserve le souvenir de José Maria de Heredia, son
poète-bibliothécaire, mais aussi de sa fille, Marie
de Régnier, qui donna de son vivant à la bibliothèque
beaucoup de manuscrits, de livres et d’objets ayant appartenu à
son père. À sa mort, en 1963, elle avait légué,
toujours à l’Arsenal, la bibliothèque de sept mille
volumes qu’elle partageait avec son mari, Henri
de Régnier, ses manuscrits, des centaines de photographies
ayant trait à elle-même et à sa famille. L’Arsenal
a donc voulu dédier une exposition à celle qui, bien plus
que "la fille" et "la femme de", fut à la fois
une muse, une femme de lettres et une femme fatale de la Belle Époque.
Une vie romanesque
Marie de Heredia passa sa jeunesse au milieu de poètes, parnassiens
pour la plupart, mais pas uniquement. Heredia, très accueillant,
aimait en effet recevoir, dans son salon, de jeunes écrivains qui
se plaçaient sous son patronage ou celui de Mallarmé.
Parmi eux, le poète Henri de Régnier et son ami Pierre
Louÿs. Le premier épousa Marie de Heredia, le second
devint son amant. Ce fut le début pour elle d’une vie plus
romanesque que celle des héroïnes de ses romans qu’elle
signait du nom de Gérard d’Houville.
Marie de Régnier eut à ses pieds tant d’écrivains
de la Belle Époque qu’on ne peut ici tous les énumérer.
Citons tout de même Jean de Tinan,
Gabriele D’Annunzio, Henry
Bernstein et bien sûr Pierre Louÿs, très attaché
à Marie de Régnier (dont il épousa la sœur cadette).
Il écrivit pour elle de magnifiques poèmes, et, contre les
Heredia, un roman pornographique extrêmement violent, Trois
filles de leur mère, publié après sa mort, en
1925. De sa liaison avec Louÿs, Marie de Régnier eut un fils,
surnommé Tigre, qui fut pour l’état civil (mais seulement
pour l’état civil) Pierre de Régnier. Ce Tigre, dessinateur
doué, un peu romancier, un peu poète, mais terriblement dilettante,
mourut alcoolique en 1943, quelques années après Henri de
Régnier, qui avait été réduit à jouer
les maris bafoués et qui s’était vengé de sa
femme dans plusieurs romans ou poèmes.
Marie de Régnier fut aussi écrivain, à une époque
où beaucoup de femmes se lançaient dans la carrière
des lettres. Elle a consacré ses romans à l’amour, suivant
en cela l’air du temps, et écrivit de nombreux poèmes
sur la mort. Elle était parfois comparée à Anna
de Noailles et à Colette, qu’elle
connaissait bien.
Portraits d’Henri de Régnier par Henry Bataille,
dans Têtes et Pensées,
Paris, Ollendorff, 1901 |
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Marie de Heredia dans l’atelier de Jacques-Émile
Blanche,
1893. Bibl. de l’Arsenal |
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Portraits de Pierre Louÿs par Henry Bataille, dans Têtes
et Pensées, Paris, Ollendorff, 1901 |
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La Belle époque des écrivains
À travers la vie sulfureuse de Marie de Régnier, ce sont les
cercles littéraires de la Belle Époque que l’exposition
veut mettre en lumière : le Parnasse,
le symbolisme, les jeunes écrivains qu’étaient dans
les années 1890, Valéry, Gide,
Proust et Vielé-Griffin.
Pierre Louÿs et Henri de Régnier y sont évidemment à
l’honneur, deux pantins autour d’une femme..., pour détourner
l’image utilisée par Louÿs dans l’un de ses romans.
C’est donc la Belle Époque des écrivains et l’une
de ses muses que la BnF va célébrer à l’Arsenal,
en présentant des manuscrits, des photographies, des tableaux et
des livres, souvent inédits.
Marie de Laubier, conservateur
à la bibliothèque de l’Arsenal |
En savoir plus
Exposition
13 février - 23 mai 2004
Marie de Régnier, Muse et poète de
la Belle Époque
Bibliothèque de l’Arsenal
Tous les jours de 12 h à 19 h, sauf lundi
Entrée libre
Commissaire : Marie de Laubier
Deux Lundis de l’Arsenal auront lieu
autour de cette exposition :
- Soirée Marie de Régnier
conférence et lectures (textes de Gérard d’Houville,
Colette, Anna de Noailles, Rachilde...)
Lundi 12 janvier 2004, à 18 h 30
- Soirée Pierre Louÿs
conférence, lectures et récital
Lundi 7 juin 2004, à 18 h 30
Entrée libre, sur réservation au 01 53 79 49 49
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