L’écriture gravée de Robert Groborne
La BnF organise une exposition consacrée à l’œuvre gravé de Robert Groborne, à travers quelque cent trente estampes et livres illustrés qui retracent un parcours énigmatique.
 

Robert Broborne
© Bernard Matussière
"J’ai toujours été fasciné par la gravure. J’ai passé beaucoup de temps au cabinet des Estampes de la BnF à regarder les gravures françaises de la Renaissance. La fréquentation de la gravure m’a donné le désir de graver."
Les premières estampes de Robert Groborne, gravées dans les années soixante, s’inspirent de l’œuvre de Hans Arp, qu’il rencontre deux ans avant sa mort. Son attention se porte sur le trait et le relief. Puis le style s’épure. Formes abstraites. Peu de place pour la couleur. "Je crois que le noir et blanc est l’essence de la gravure. La couleur dans la gravure est pour moi souvent anecdotique. Mes peintures sont monochromes. J’en travaille la matière, l’épaisseur, le relief. Quant à mes sculptures, elles sont souvent bifaces et, par là, proches de mes gravures."
Son travail du relief appelle les signes, les signes, l’écriture. Particularité : une calligraphie gravée illisible. Robert Groborne grave les traces des temps forts de sa vie, qu’un lecteur patient peut décrypter en recherchant les quelques mots compréhensibles des textes.

" Partir de ma propre calligraphie"
"En 1975, à Saint-Paul-de-Vence, j’ai découvert un monde artistique coloré, souvent drôle, parfois méchant. J’ai eu envie d’écrire une forme de journal. Mais je ne suis pas écrivain. J’avais seulement envie d’aider la mémoire en écrivant de façon purement graphique." L’écriture gravée illisible rythme l’ensemble de sa vie : son séjour sur les plages du débarquement, son retour en Algérie en 1979, retour "au pays", pour celui qui vécut ses vingt premières années à Alger. Robert Groborne a travaillé avec de nombreux poètes : Michel Couturier, Edmond Jabès, Joseph Guglielmi, concevant ses planches comme un dialogue avec le texte. Ainsi, dans Une lecture du "Livre des ressemblances" d’Edmond Jabès, il souligne, biffe, réécrit, surcharge. Il fait sienne la phrase de l’Apocalypse que rapporte Pascal Quignard dans La Parole de la Délie : "Et je lui donnerai un caillou blanc et sur ce caillou, un nouveau nom est écrit que nul ne connaît hormis celui qui le reçoit."

Son écriture renoue avec le geste calligraphique des lettrés chinois. Mais la comparaison s’arrête là. "J’ai envie de partir de ma propre calligraphie dans un geste graphique. Faire de la calligraphie simili chinoise ne m’intéresse pas. Je ne suis pas Chinois." L’esthétisme pur l’ennuie. Reste l’inspiration des lettrés : "J’ai besoin de solitude. Quand je travaille, je fais le vide dans le silence. Chaque geste a un sens et chaque absence de geste a un sens. J’essaye…"

En guise d’hommage aux heures passées à la BnF à l’étude des estampes de la Renaissance, Robert Groborne dépose régulièrement ses œuvres dans les collections du département des Estampes et de la photographie.

F. A.-Groshens


En savoir plus

Robert Groborne, Une lecture du "Livre des ressemblances" d’Edmond Jabès, éditions Æncrages & Co,
Bruyères, 1981

Exposition
10 février - 21 mars 2004
Robert Groborne, gravures
Site Richelieu, Crypte
Entrée libre
Commissaire : Céline Chicha