Acquisition : une correspondance inédite et un incunable photographique de Nicéphore Niépce
A l'occasion de la seconde vente Jammes, organisée par Sotheby's à Paris le 21 mars 2002, la Bibliothèque nationale de France a pu acquérir, par voie de préemption, un ensemble exceptionnel : une correspondance inédite de Nicéphore Niépce et de son fils avec leur cousin Dubard de Curley.

150 pages d'une correspondance étalée sur plus de 40 ans
Cette correspondance, qui s'échelonne des années 1809 à 1841, et comporte trente-cinq lettres, soit environ cent-cinquante pages, est d'une importance historique tout à fait primordiale.
Il y est question d'argent, mais surtout, pour faire patienter leur créancier, Nicéphore Niépce se trouvait dans l'obligation de livrer partiellement à son cousin Dubard de Curley, des indications sur ses recherches et ses découvertes (contrairement aux strictes règles de discrétion que les deux frères s'étaient imposées).
Cette correspondance est donc très révélatrice pour l'histoire de la photographie.

Et une gravure héliographique

Elle est en outre accompagnée de la plus ancienne gravure héliographique connue, épreuve sur papier d'après une plaque de cuivre imprimée en 1825. Cette image de Nicéphore Niépce est unique. Elle est antérieure à tous les essais connus de l'inventeur français de la photographie.Il s'agit de la copie d'une eau-forte flamande du XVIIe siècle (un cheval et son conducteur, œuvre anonyme), obtenue par Niépce sur une plaque de cuivre par l'action du soleil sur une surface sensible.
Cet " incunable " de la photographie, image unique et inédite, ouvrit la voie aux procédés photomécaniques qui ont révolutionné le monde de l'imprimerie. Un an plus tard environ, Nicéphore Niépce obtenait une image d'un " point de vue ", c'est-à-dire la première image photographique prise dans un véritable appareil photographique.

Les frères Niépce, inventeurs prolixes


Portrait de N. Niépce par Berger

Les deux frères Nicéphore et Claude Niépce travaillaient ensemble depuis le début du XIXe siècle, la fin des événements révolutionnaires leur ayant permis de revenir d'exil et de retrouver le domaine familial du Gras, à Saint-Loup-de-Varennes. Ils avaient fait breveter diverses machines, expérimenté la culture du pastel et l'extraction du sucre de betterave.
S'intéressant à la lithographie, récemment introduite en France, ils cherchèrent un moyen de reproduire les gravures plus rapidement et avec plus d'exactitude. Ils trouvèrent un vernis sensible à l'action de la lumière de façon à obtenir directement l'image de la gravure copiée sur une plaque qui, creusée ensuite à l'eau-forte, puis encrée, se prêtait à l'impression de plusieurs épreuves. Grâce à une chambre noire dont il réglait l'ouverture par un diaphragme, Nicéphore Niépce transposa aussi des gravures sur le papier, sur le verre, sur l'étain émulsionné.
Ce n'est pas ici le lieu de raconter dans le détail l'origine de la photographie. Il suffira de rappeler que Daguerre exploita habilement la trouvaille de Nicéphore Niépce, auquel il s'était associé, et parvint à mettre au point le procédé qui porte son nom. Il n'en reste pas moins que Nicéphore Niépce est le véritable inventeur de la photographie.Les travaux des deux frères ayant sérieusement ébréché leur patrimoine, ils empruntèrent à leur cousin Dubard de Curley des sommes importantes afin de mener à bien leurs expériences.

Laure Beaumont-Maillet et Bernard Marbot