Jean-Michel Fauquet
Du mode d'existence des objets imaginaires

Jean Michel Fauquet, L'Heliodon, 2004, entré au département des Estampes et de la Photographie en 2005

L'atelier de Jean-Michel Fauquet est-il celui d'un sculpteur ? S'agit-il en fait d'un cabinet de curiosités ? Des masses de carton ondulé s'y enroulent et s'y déroulent comme une vague avant de se transformer en sculptures miniatures,
en objets sans usage pratique ni modèle connu, ou en chrysalides géantes suspendues au plafond. La tombe de Toutankhamon ne pouvait être plus déroutante.
Chez Fauquet, la prise de vue est une phase intermédiaire de la création de l'œuvre. Il maîtrise de bout en bout son univers. Les personnages, ponts, maisons, ustensiles aux destinations mystérieuses, existent d'abord virtuellement dans la matière sèche et austère du carton qu'il façonne. Le crayonnage à la mine graphite, qui soutiendra la matière du tirage photographique, leur confère la patine d'objets antiques découverts dans leur gangue de poussière ou de tourbe. Ce monde obscur n'est pas funèbre pour autant. Le choix du noir et blanc, l'ajout d'un glacis de cire sur le tirage photographique le dotent d'une pâte picturale, lui confèrent une valeur tactile, sensuelle, qu'aucune reproduction ne peut rendre tangible. Ses carnets de dessins emplis de croquis de machines sans fonctions déterminées, dessinées pour leur beauté plastique, évoquent ceux de Léonard de Vinci.
Leur passage par la photographie ajoute à ces artefacts un poids supplémentaire de réalité, mais persisteront toujours et le doute sur la grandeur réelle de l'objet et l'incertitude du temps où il s'inscrit. L'Héliodon, suspendu à ses cordelettes, ne flotte pas au-dessus d'une montagne, mais du massif artificiel d'un chiffon sali, n'est pas accroché à la sphère d'une montgolfière mais au plafond de l'atelier. Fauquet ne le dissimule pas et cadre le dispositif, montre le contexte. Le caractère étrange et inquiétant, l'ambiguïté de la photographie ne s'en affirment qu'avec plus de force, cependant la vérité de la présence plastique désamorce l'angoisse et engendre la fascination.
Archéologue rêveur ou constructeur de mythes? Fauquet fait émerger de l'ombre un monde imaginaire, sa géographie, ses tribus, ses objets, un monde enfin réenchanté.

Anne Biroleau


Pour en savoir plus
Jean-Michel Fauquet, né en 1950, vit et travaille à Paris.
Son œuvre a donné lieu à de nombreuses expositions et à plusieurs publications, entre autres :
Grande Nuit de Toussaint. Texte de Sylvie Germain, Cognac, le Temps qu’il fait, 2000.
Ordalies : crime avec paysages. Texte de Pierre Bergounioux,Trézélan, Ed. Filigranes, 2002.