Zola, garder la passion
A l'occasion du centenaire de la mort de Zola, l'exposition de la Bibliothèque nationale de France explore les visages de l'écrivain et dessine, au delà des images convenues, celle d'un poète de la vie moderne.



Affiche pour Paris, A.T. Steinlen
" Garder la passion " : lorsque Emile Zola écrivit cette note, il venait de poser les principes du naturalisme, et déjà s'y trouvait à l'étroit. Homme de passions et d'engagements, travailleur acharné, il est aussi le créateur d'images et de personnages qui hantent encore la mémoire collective. L'exposition que lui consacre la BnF tente de restituer la richesse et la complexité de l'écrivain au delà des stéréotypes qui lui sont attachés. Michèle Sacquin*, commissaire de l'exposition, s'est entourée de chercheurs d'horizons différents pour croiser les approches biographique et historique d'une part, littéraire et esthétique d'autre part. La scénographie de l'exposition met en regard, tout au long du parcours, chaque étape de la vie du romancier avec le contexte historique et avec sa production littéraire. 400 pièces sont présentées, dont un grand nombre de manuscrits autographes de Zola ainsi que des dessins, tableaux, gravures de Cézanne, Manet, Pissaro, Renoir ou Van Gogh. Trois étapes ponctuent ce cheminement dans la vie et dans l'œuvre de Zola : écrire, décrire et dire.

Ecrire

Né en 1840, fils d'un ingénieur vénitien tôt disparu dont il cultivera la mémoire, Emile est élevé par sa mère à Aix en Provence. Il a 18 ans quand les Zola s'installent à Paris ; les années d'apprentissage de ce jeune homme pauvre sont ponctuées, de 1858 à 1871, par ses premières tentatives littéraires. Un emploi au service de la publicité de Hachette lui procure son premier carnet d'adresses et lui permet de s'initier aux règles du marché littéraire. Zola devient journaliste en 1866 ; dès 1867 il accède à la célébrité avec la publication de Thérèse Raquin.

Critique littéraire et artistique pour les journaux républicains, il se démarque du romantisme au nom d'une triple exigence : tempérament, modernité et vérité. Il se passionne pour " les peintres de plein air ", défend avec une fougue égale Manet et ses amis et les romanciers " naturalistes ". L'exposition présente des tableaux où il figure parmi les jeunes artistes de la nouvelle école, tel l'atelier aux Batignolles de Henri Fantin-Latour. Manet peint de lui un portrait au cours de l'hiver 1867-68 ; le jeune Zola apprend, à l'école de cette génération d'artistes à saisir une vision instantanée, à fixer les traits qui font sens : un geste, un regard.

" Les œuvres picturales de l'époque éclairent sa propre écriture ", commente Michèle Sacquin. "Zola voit la capitale avec les yeux de ses amis peintres, mais son travail de romancier porte aussi une vision de la ville : c'est le Paris de Zola que peindra Van Gogh. Nous avons voulu montrer cette interaction constante entre l'œuvre de Zola et son époque ".

Décrire

Explorer la réalité sociale et en rendre compte par la représentation romanesque : tel sera le projet du cycle des Rougon-Macquart et celui des Trois villes, de 1871 à 1897. Zola met au point une méthode documentaire qui lui permet de cerner au plus près les "mondes" dont se compose la société de son temps, passe celle-ci au crible de l'enquête historique, sociologique, lexicale. Les dossiers préparatoires exposés (recueil de faits divers, de choses vues, plans, listes et fiches de personnages) permettent au visiteur de suivre le passage de la documentation à la fiction. Et de percevoir la force qui emporte sa plume dans l'imaginaire et transfigure la réalité : le romancier du réel est aussi et surtout un créateur de mythes et de symboles : le Paradou édénique de La Faute de l'abbé Mouret, les femmes tour à tour angéliques ou démoniaques, les machines, figures emblématiques d'une modernité aliénante.

La trilogie des Trois villes transpose sous forme romanesque les interrogations de la France des années 1890 sur le rôle social de la religion. Le dernier volume, Paris (1898) anticipe un monde où s'établit une religion moderne, humanitaire et réconciliée avec la science. Zola revendique cette dimension visionnaire lorsque dans les mois qui suivent la tempête de J'accuse, il réclame "après quarante ans d'analyse le droit à l'utopie".
Jeu de l'oie sur l'affaire Dreyfus


Le temps des utopies

Les dernières années de son existence sont placées sous le signe du rêve assumé, comme si son engagement total dans l'affaire Dreyfus l'avait paradoxalement libéré. Zola peut alors "dire" autre chose, laisser libre cours à une inspiration jusque là restée en sommeil. Il écrit trois "Evangiles", romans futuristes qui se déroulent au XXème siècle et annoncent un monde nouveau d'inspiration socialiste et libertaire.
"Le second Evangile, Travail (1901) est le versant ensoleillé de Germinal qui, au temps de la grande exposition de 1900, célèbre l'électricité et les cités jardins" poursuit Michèle Sacquin. Le roman s'achève sur une vision d'apaisement, à l'image de la vie de Zola avec les siens. Il s'adonne à son "violon d'Ingres", la photographie, et à la bicyclette.

Sa mort, le 29 septembre 1902, dont on ne sait encore aujourd'hui si elle fut accidentelle ou provoquée, laisse inachevé le quatrième Evangile. Son titre, Justice, résonne en point d'orgue avec les mots de J'accuse : "Je n'ai qu'une passion, celle de la lumière, au nom de l'humanité qui a tant souffert et qui a droit au bonheur".


Sylvie Lisiecki


*Michèle Sacquin est conservateur en chef au Département des manuscrits
Exposition Zola
Site François Mitterrand
18 octobre 2002 - 19 janvier 2003
Grande Galerie

Sites web
www.cahiers-naturalistes.com
http://expositions.bnf.fr
http://gallica.bnf.fr
Livre catalogue, Zola
dirigé par Michèle Sacquin
256 pages, 280 illustrations
Coédition BnF/Fayard, 49 €

Activités pédagogiques autour de l'exposition
pour les classes et les enseignants +

action.pedagogique@bnf.fr

La maison d'Emile Zola à Médan

Ce musée a prêté plusieurs documents pour l'exposition Zola de la BnF. Ouverte au public depuis 1985, la maison de Médan, permet d'évoquer la vie de l'écrivain à travers ses objets personnels et son mobilier, dans un décor typique de la fin du XIXe siècle. La Maison d'Emile Zola se visite toute l'année :

les samedis, dimanches et jours fériés de 14h à18h30.
26, rue Pasteur 78670 Médan
Tél : 01 39 75 35 65.
Fax : 01 39 75 59 73.