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Dans les années 1970-1980, le mouvement féministe a connu un âge d’or
au cours duquel l’engagement actif de militantes, de femmes politiques,
d’associations et de certains médias ont permis une réelle avancée
des droits des femmes et de nouvelles conquêtes pour leur liberté.
Il se trouve que ces progrès ont coïncidé avec l’irruption de nouveaux
outils audiovisuels plus maniables, la cassette audio, le VHS, qui
ont favorisé la captation et la diffusion de certains moments clés
de cette période. Aujourd’hui, à l’heure où le mouvement féministe
connaît une renaissance, les chercheurs peuvent s’appuyer sur des
images animées et des enregistrements sonores pour prolonger leurs
analyses. Parmi les sources incontournables, ils consulteront celles
des collections du département de l’Audiovisuel de la BnF qui se révèle
un lieu essentiel de conservation et de communication de tels documents:
les femmes y sont représentées à travers les supports les plus anciens,
comme les cylindres ou le 78tours, jusqu’aux plus modernes. Elles
jalonnent tout ce XXe siècle qui vit le développement
de l’industrie du disque. En outre, le chercheur trouvera là des sources
de l’histoire militante de la femme dans des documents et des témoignages
recueillis dès les débuts des Archives de la parole*,
et qui rassemblent des données irremplaçables sur l’aventure de la
femme au XXe siècle.
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Etiquettes de deux 78 tours
de 1936 et 1933, et d'un 80 tours de 1926, conservées au département
de l'Audiovisuel. Ces disques témoignent du combat des femmes
françaises pour leurs droits. |
La voix des femmes
En effet, nombre de discours, de lectures et surtout d’enregistrements
musicaux ont enrichi la Phonothèque nationale (créée en 1938 pour
recevoir le dépôt légal des phonogrammes, institué par la loi en 1925).
Le département de l’Audiovisuel actuel, héritier à la fois de la Phonothèque
nationale et des Archives de la parole, ouvre ainsi accès à une collection
de plus d’un million de documents sonores, l’une des plus importantes
au monde. Les plus anciens d’entre eux sont des enregistrements d’actrices
en studio : Sarah Bernhardt, enregistrée par la compagnie Gramophone
en 1903; Cécile Sorel, immortalisée par les Archives de la parole
en 1913. On retrouve aussi les voix des cantatrices Adelina Patti
et Nelly Melba. La figure de la chanteuse, liée à l’apparition du
« caf’conc’ » puis du music-hall au début du XXe
siècle, prend une dimension nouvelle avec l’émergence du disque.
Captés par l’enregistrement électrique, qui annonce dès 1925 l’industrie
culturelle de masse, les accents de chanteuses dites réalistes comme
Fréhel, Damia ou Édith Piaf expriment les traits contradictoires de
la condition des femmes dans les couches populaires. Puis viendront
des chanteuses à textes littéraires (Juliette Gréco ou Barbara) ou
celles nées du baby boom comme Françoise Hardy, et même des militantes
(Colette Magny, Hélène Martin, etc.).
Dans l’univers de la musique classique, les femmes, souvent associées
à la harpe et au clavecin, s’illustrent plus difficilement comme pianistes
et arrachent de haute lutte des places dans l’orchestre. On peut ainsi
apprécier l’itinéraire d’une Clara Schumann, de la claveciniste Wenda
Landowska, d’une pianiste telle Marguerite Long, d’une compositrice
comme Lily Boulanger ou sa sœur Nadia, première femme à avoir dirigé
l’Orchestre symphonique de Boston. À leur tour, le microsillon et
le disque compact suscitent un phénomène d’appropriation d’icônes
féminines, d’un très fort impact, dans une série de figures qui vont
de Maria Callas à Madonna.
Oralité et littérature
Les fonds parlés de la BnF révèlent aussi des trésors, avec la diffusion
de pièces de théâtre en intégrale ou en extraits – de plus en plus
longs au fil des progrès techniques. Par exemple, Le
Malade imaginaire, gravé en 1911 par Pathé, et des livres sonores.
Dans les années cinquante, la bande magnétique favorise le genre phonographique
et radiophonique de l’entretien, gardant ainsi intactes la parole
et la pensée de femmes artistes, d’écrivaines ou d’intellectuelles
: parmi beaucoup d’autres, Simone de Beauvoir
et Marguerite Duras (en particulier grâce au producteur Hugues Desalles).
Le visiteur peut aussi écouter des lectures d’œuvres de femmes de
lettres, des témoignages d’autres intellectuelles. Par la voix revivront
aussi des comédiennes comme Ludmilla Pitoëff, Silvia Monfort et Maria
Casarès, ou encore la peintre Sonia Delaunay ou la militante Jeannette
Vermeersch.
Avec l’avènement du féminisme des années soixante-dix, les Éditions
des femmes entrent dans les collections de la BnF par le truchement
du dépôt légal (« La bibliothèque des voix » d’Antoinette Fouque,
en 1980, avec notamment des textes lus par Nathalie Sarraute ou Françoise
Giroud). À l’opposé de la tradition académique française, l’oralité
devient le média privilégié de la littérature. Dans le domaine politique,
la BnF conserve des ressources rares, comme le discours sur le féminisme
de maître Maria Vérone, grande militante de l’entre-deux-guerres,
enregistré par Polydor en 1933. Sans oublier les disques du Comité
national des femmes socialistes, publiés en 1936, faisant état des
débats
et contradictions du combat pour les droits des femmes en France dans
les années trente.
Quand les femmes se font réalisatrices de
films
Concernant les images, le dépôt légal des vidéogrammes a été institué
en 1975. Aujourd’hui, la collection d’images animées de la BnF forme
le plus important gisement en France de documents sur support vidéo.
Avec 125 000 titres, dont 115 000 entrés par son canal, ce dépôt légal
a permis d’accumuler des sources précieuses sur l'histoire des femmes.
Le domaine du film documentaire a fait l’objet d’un important programme
d’acquisitions pour la bibliothèque d’étude du Haut-de-jardin, avec
des axes forts : la «Cinémathèque du documentaire» propose notamment
une anthologie de ce genre avec des films de femmes, des portraits
de grandes figures féminines ou des entretiens avec Gisèle Halimi,
Françoise Giroud, Françoise Dolto, Élisabeth Roudinesco, Germaine
Tillon, pour ne citer qu’elles. Grâce au dépôt légal des éditions
commerciales, le chercheur aura également accès à des films de fiction,
longs et courts métrages pour le cinéma ou la télévision, et à des
films de cinéma expérimental tournés par des réalisatrices de grands
talents (Agnès Varda, Coline Serreau, Catherine Breillat, Claire Denis,
Christine Pascal, Chantal Ackerman, Agnès Jaoui et d’autres). Il pourra
approfondir ses recherches sur des thématiques comme les femmes réalisatrices,
les rôles féminins dans le cinéma de fiction ou les femmes dans la
publicité. D’autres se pencheront sur la place des femmes dans la
vie quotidienne, sur l’égalité et la parité ou la citoyenneté en étudiant
les films déposés à la BnF par des institutions ou par le ministère
des Droits des femmes. D’autres encore se documenteront, pour mieux
décrypter l’actualité récente, sur l’engagement politique des femmes,
sur les prolongements du mouvement féministe et de la libération sexuelle
ou sur l’homosexualité. Tous pourront bientôt consulter le riche fonds
d’archives vidéo du Centre Simone de Beauvoir, en cours de dépôt à
la BnF.
Antoine Provensal et Sylvie
Dreyfus,
en collaboration avec Marie-Noële Darmois |
* Fondées en 1911 par le linguiste Ferdinand Brunot dans son Institut
de phonétique de la Sorbonne,les Archives de la parole visaient à
la constitution d'un patrimoine sonore destiné à l'étude et à la recherche
(collecte ethnographique de témoignages, contes populaires, musiques
traditionnelles, folklores, voix de personnages célébres, etc.). Aprés
le musée du Geste et de la Parole qui lui a succédé en 1928, une Phonothèque
nationale fera créée en 1930, elle deviendra un département de la
BnF en 1977 ancêtre de l'Audiovisuel de la BnF.
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COLLOQUE
Des sources audiovisuelles pour
l’histoire du féminisme
20 novembre 2004
Site François-Mitterrand
Petit Auditorium
9 h 30 - 19 h
Colloque organisé par l’association Archives
du féminisme, en partenariat avec la BnF. |
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