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La mer, terreur et fascination | ||||
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François Sarano, océanographe![]() |
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![]() François Sarano : L'objectif de cette charte est d'inviter le plongeur sous-marin à réfléchir sur l'impact de son action sur "l'écosystème" sous-marin et aussi sur ses relations avec les populations des pays qu’il visite. Nous nous plaçons dans une perspective de développement durable, en sensibilisant les professionnels de plongée sous-marine aux besoins des populations locales. Cette charte, traduite en 4 langues (Français, Anglais, Allemand, Italien) a déjà été diffusée à plus de 70 000 exemplaires. Elle est diffusée par les centres de plongée "ambassadeurs" en France, bien sûr, et un peu partout dans le monde. Elle est disponible à tous ceux qui en font la demande. Elle est également accessible sur notre site web. Elle a été officiellement adoptée par la Fédération Française de plongée sous-marine, le Syndicat national des moniteurs de plongée, et bien d'autres organismes professionnels. ![]() Ch. : Concrètement, quelles sont vos actions ? ![]() F .S. : Notre action est indirecte via cette charte, qui demande, par exemple, aux plongeurs de ne pas prélever d’organismes vivants, d'éviter d'acheter des souvenirs (dents de requins, coquillages, coraux). La destruction d’espèces fragiles peut modifier l’ensemble de l’écosystème. Par exemple, les coraux brisés par les palmes des plongeurs, sont remplacés par des algues dont le développement inhabituel provoquera, en cascade, l’explosion d’espèces herbivores, comme les oursins. Ces espèces herbivores prendront la place d’espèces qui se nourrissaient préférentiellement de coraux. Certains sites de la mer Rouge et des Caraïbes, visités par des milliers de plongeurs, ont ainsi été durablement dégradés. Certaines espèces autrefois abondantes sont devenues rares d’autres confidentielles ont pris leurs places. Nous souhaitons que les plongeurs aient une réflexion globale. Les sites de plongée sont souvent exploités par des hôtels de luxe, qui ne lésinent pas, pour satisfaire leurs clients plongeurs grands consommateurs d’eau douce, à puiser sans réserve dans une ressource très limitée, au détriment des besoins de l’agriculture vivrière locale, notamment sur les côtes méditerranéennes. Nous souhaitons enfin réveiller la curiosité des plongeurs en leur proposant un livret d’exploration, associé à une plaquette de plongée immergeable, pour qu’il puisse dessiner, revivre et partager ses plongées, pour qu’il puisse transformer une immersion banale en une véritable exploration. Nous intervenons également auprès des pêcheurs et des responsables politiques pour attirer leur attention sur la fragilité de certaines espèces – comme les requins - qui, à cause d’une maturité sexuelle tardive et d’une faible fécondité sont très sensibles à une exploitation intensive. Nous militons pour l’interdiction du commerce des ailerons de requins, et pour la création de réserve marine en Polynésie française où la pêche aux palangres géantes qui déciment les requins serait interdite. Il y a urgence : la dernière étude réalisée par le département de biologie d'Halifax (Canada) consacrée à l'évolution des ressources naturelles de l'océan montre qu’il ne resterait que 10% des grands prédateurs qui régnaient sur les océans, il y a encore 50 ans. ![]() Ch. : Le requin est le prototype de l'animal marin qui suscite la terreur chez l'homme. Selon vous cette terreur est infondée ? ![]() F. S. : La terreur des requins est due à la méconnaissance. Cette méconnaissance est entretenue par l’inflation médiatique. On ne prend plus le temps de vérifier sur le terrain des idées reçues absurdes, mais qui font "vendre". La férocité des requins mangeurs d’homme est l’une de ces absurdités qui, répétées sans cesse par des gens qui n’ont jamais vu de requins sont devenues des "vérités". Sur les trente dernières années, le nombre d’accidents mortels liés à une morsure est inférieur à six par an et personne n’a été "mangé" ! Le requin, contrairement à sa réputation, est un animal timide, qui évite l'homme. Animal à sang froid, il consomme beaucoup moins de nourriture que l’orque qui doit conserver une température élevée constante. Mais depuis que les films "Les dents de la Mer" et "Sauver Willy" sont sortis, les orques sont gentils et les requins encore plus méchants ! J'ai eu la chance de faire une quarantaine de plongées avec des grands requins blancs, sans cage, sans protection particulière. C’est une expérience bouleversante qui, loin de susciter la peur, apporte une joie profonde et une immense sérénité. Nous commençons à peine à connaître ce seigneur des mers, il serait terrible qu’il disparaisse avant même que nous l’ayons compris. ![]() Ch. : En contrepoint à cette terreur, la mer fascine l'homme. Pourquoi ? ![]() F. S. : La mer est le dernier territoire "sauvage". Le plongeur a le privilège de pouvoir y côtoyer des grands animaux sauvages. C'est une expérience unique, inimaginable à terre où les grands prédateurs ont été décimés. Si, comme certains le souhaitent, l’océan ne devait plus être qu’un immense espace exploité, un immense parc de loisir, un océan fermier… alors ce serait infiniment triste. L’océan n’est pas seulement un réservoir de protéines, un lieu de transport, et de tourisme, c’est notre réservoir de rêves… : danser en compagnie d’une grande raie manta, 5 mètres d’envergure, une tonne d’élégance, qui glisse dans l'eau, avec la légèreté de l’albatros et la vivacité de l’hirondelle. Aucun parc d’attractions ne proposera jamais l’émotion de la rencontre avec l’imprévisible de la vie sauvage. C’est l’objectif de notre association, Longitude 181 Nature, que de pousser chaque plongeur à revendiquer le droit d’être un acteur de la protection du monde marin.
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En savoir plus François Sarano Docteur en océanographie Président de l'association Longitude 181 Nature www. longitude 181.org Exposition "Mer, terreur et fascination". 13 octobre 2004 au 16 janvier 2005, Site François-Mitterrand à Paris et au Quartz de Brest au printemps 2005. En partenariat avec la Ville de Brest dans le cadre du Pôle associé "océanographie" Géo, Le Point et la chaine Planète, Thalassa. |