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La production scénique du peintre André
Derain reste méconnue. Une exposition de la bibliothèque-musée
de l'Opéra donne l'occasion de révéler
au public des œuvres scéniques inédites,
qu'il réalisa entre 1918 et 1953 pour les plus
grandes compagnies de ballet, de théâtre et d'opéra.
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André Derain, dans son atelier à Chambourcy
(1952).
© Michel Sima/Rue des archives |
En 1909, la saison chorégraphique des Ballets russes
débute au théâtre du Châtelet.
Serge Diaghilev emploie des décorateurs russes
comme Bakst et Benois,
qui offriront au public de somptueux décors teintés
d'exotisme et de folklore russe, avant de se tourner vers
l'avant-garde internationale. Puis il recourt à
des peintres, commandant en 1917 à Picasso
les décors et les costumes de Parade
puis, en 1919, sollicitant Derain
pour ceux de La Boutique fantasque.
En 1920, il s'adresse à Matisse
pour Le Chant du rossignol. Après
le succès de
La Boutique fantasque, les arts
de la scène vont occuper une place importante dans l'œuvre
de Derain : entre 1918 et 1953, il aura réalisé
les décors et les costumes de treize ballets, deux opéras
et deux pièces de théâtre, sans compter
les nombreux projets non créés.
Cette longue série de collaborations avec le monde du
spectacle le fera travailler avec les plus prestigieuses compagnies
: les Ballets russes de Monte-Carlo
(La Concurrence, 1932), les Ballets
de Paris de Roland Petit (Que
le diable l'emporte, 1948), les Ballets de George
Balanchine (Les Songes,
1933),
le Théâtre national de l'Opéra de
Paris (Salade, 1935), le Grand
ballet de Monte-Carlo du marquis de
Cuevas
(Les Femmes de bonne humeur,
1949), et le fera côtoyer de grands chorégraphes
comme Léonide Massine
(La Boutique fantasque, 1919)
ou Michel Fokine (L'Épreuve
d'amour, 1936).
Décorateur, créateur
de ballet, metteur en scène
Plein de fantaisie, l'art des maquettes de décors et
de costumes de Derain se distingue nettement de son œuvre
peint. Dans La Boutique fantasque,
l'artiste met en scène des poupées automates,
et le diable et ses filles dans Que
le diable l'emporte ou encore d'étranges monstres
dans Les Songes. Il n'hésite
pas à mêler époques et genres, présentant
indifféremment des personnages arborant des masques d'influence
africaine et d'autres, d'influence grecque dans le projet de
spectacle Épidaure. Pour
créer un costume du ballet antique Fastes
(1933), il s'inspirera des peintures étrusques des tombes
de Tarquinia mais n'hésitera pas à puiser des
idées dans une carte postale du Tyrol pour
Le Barbier de Séville... Autre point remarquable,
la précision de ses dessins de costumes de scène.
Ne laissant rien au hasard, il participe aux essayages, choisit
les tissus, accroche dans les loges le dessin des maquillages
à appliquer aux danseurs.
André Derain fut plus qu'un décorateur.
Véritable créateur de ballets, il rédigeait
des arguments, choisissait les musiques, intervenait dans la
mise en scène. Il participait également au choix
des musiques d'accompagnement des spectacles. Il rédigea
ainsi plusieurs livrets pour des ballets dont il avait dessiné
les décors et les costumes, et imagina les arguments
de La Concurrence, Les
Songes, Fastes et Que
le diable l'emporte.
Passionné de ballet, il avait aussi quelques idées
sur l'art de la chorégraphie. Il élabora ainsi
un "projet relatif à la
composition d'un ballet (…) entièrement créé
par monsieur Erik Satie
musicien insigne et monsieur Derain peintre idoine",
ballet qui présente les "instruments
avec lesquels un maître de ballet peut composer des ballets
à l'infini".
À propos du ballet Que le diable
l'emporte, Roland Petit
écrira : "Derain, lui, a
tout fait. Il a choisi la musique et l'orchestrateur. Il a écrit
le sujet du ballet pour finir par faire ce pour quoi il avait
du génie, c'est-à-dire les costumes et les décors."
André Derain et la scène
Du 24 mai au 28 août 2005
Bibliothèque-musée de l'Opéra
Entrée 7 € / Tarif réduit 4 € (l'entrée
à l'exposition inclut la visite du palais Garnier)
Tous les jours de 10 h à 17 h, sauf les jours de représentation
en matinée. |
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