+ Jean-Louis Garnell
Jean-Louis Garnell interroge obstinément l'univers tranquille des choses. Sa méditation photographique sur la nature morte et l'objet offre, en deux séries inédites, une interprétation contemporaine de ces thèmes classiques.

     
 

L'art a commencé lorsque, fasciné par les formes des silex et des cailloux, un homme s'est avisé de les choisir et de les assembler afin de les contempler. Le terme "série" s'applique aux artefacts fabriqués en masse par l'industrie, à propos desquels Marcel Duchamp énonça le concept de ready-made. La nature des modèles photographiés par Jean-Louis Garnell tient de ces deux lignages : objets modestes, sans qualités particulières, sans autre destination qu'un usage ludique et éphémère. Automobiles miniatures, billes, pantins, maquettes, débris de poupées, cadeaux offerts en prime avec un paquet de lessive… La première série, Les Rescapés, est constituée de 120 photographies en couleurs,
de petit format, portraits des menus objets que Jean-Louis Garnell possédait dans son enfance et qui ont échappé à la destruction. Compagnons d'enfance chargés de l'histoire intime de l'auteur, ils accèdent sous son objectif au rang d'exemplaires uniques. La photographie les institue en œuvre. Jean-Louis Garnell les saisit dans une apnée, chacun isolé dans le cadre, sans ombre portée. La couleur y crée le volume et la matière, les contours se découpent nettement. Pourtant, ils semblent émerger de nulle part. Le choix de la méthode de prise de vue, toujours selon la même focale,
le même éclairage et le même angle, les constitue en série, au sens photographique du terme.

Le réel fragile de la photographie
Le second ensemble de quinze photographies intitulé Le Bout de la table explore le thème de la nature morte. Le travail de Jean-Louis Garnell prolonge et interprète cette longue tradition de la représentation d'objets et de victuailles née dans la peinture antique. Il ne s'agit pas ici d'éléments délibérément choisis et agencés a priori dans un but préétabli. Nulle mise en scène ne précède le moment de la prise de vue. Intuition et hasard entrent en jeu, la volonté décorative est évacuée. C'est alors la question de la présence des choses pour elles-mêmes, fermées dans leur opacité, qui nous est adressée. Le bout de table photographié répond à un protocole précis : l'unité d'un lieu, celui de l'intimité domestique. La dimension temporelle s'en trouve paradoxalement amplifiée. Apparitions, disparitions, variations de lumière, selon les saisons et les heures, suggèrent la présence, la succession et l'action des utilisateurs de la table et des objets, le passage du temps. L'ordonnancement du monde s'affirme dans le cadre. "Bien que presque tout nous échappe, bien que ce qui est montré soit fragile ou dérisoire face à ce qui n'est pas montré, le monde autour,
le passé, le futur. Il suffit de l'accepter et de faire entrer ces sensations dans l'œuvre elle-même, c'est notre condition d'être humain, notre condition de photographe
", écrit le photographe. Ces deux séries consacrées à l'apparition,
la saisie, la perception du réel qui constituent le thème fondamental de la photographie, renouvellent notre regard sur la présence des choses et réaffirme la maîtrise de la composition qui caractérise l'œuvre de JeanLouis Garnell.

Anne Biroleau


Pour consulter le site de l'artiste : www.jeanlouisgarnell.net

Objets dans l'objectif
+ Jean-Louis Garnell
Du 31 mai au 28 août 2005
Galerie de photographie (Site Richelieu).
Entrée libre

Avec le soutien de Champagne Louis Roederer.

Du mardi au samedi de 10 h à 19 h, le dimanche de 12 h à 19 h
Commissaire : Anne Biroleau