Les archives Joliot-Curie - La physique française à la BnF
  Le 30 janvier 2007, Hélène Langevin et Pierre Joliot ont offert à la BnF les archives de leurs parents Frédéric Joliot (1900-1958) et Irène Joliot-Curie (1897-1956), complétant ainsi celles de l’autre couple mythique de la physique, Pierre et Marie Curie, entrées à la BnF quarante ans plus tôt.
 
Irène Curie : carte adressée à Marie Curie
En 1967, les héritiers de Marie Curie – sa fille Ève Curie-Labouisse et les enfants d’Irène Joliot-Curie, Hélène Langevin et Pierre Joliot – faisaient don à la Bibliothèque nationale d’un ensemble de documents scientifiques, de registres et de correspondance.
En 1974, l’Institut du radium lui remettait à son tour les archives de Marie Curie, demeurées dans son laboratoire. Ainsi s’est constitué rue de Richelieu un fonds exceptionnel d’archives scientifiques consulté par les chercheurs du monde entier. Aujourd’hui, le fonds Pierre et Marie Curie occupe les cotes 18 365 à 18 517 des Nouvelles Acquisitions françaises du département des Manuscrits, soit soixante et un volumes reliés, soixante dix-huit carnets et cahiers, dont les fameux carnets dits « de la découverte » [du radium], huit albums, quatre-vingt-dixneuf diplômes ou distinctions honorifiques et… un sablier, représentation symbolique du gramme de radium offert à Marie Curie par les femmes américaines en 1921.
Ce bel ensemble a été complété en 1986 par le don des cours de Marie Curie à l’ENS Sèvres (NAF 18 751-18754) ainsi que par celui de papiers d’Albert Laborde, proche collaborateur de Marie Curie (NAF 18 755) dû à la générosité de la fille de ce dernier, Colette Morin-Laborde. Conservé à l’Institut du radium, devenu Institut Curie, association de droit privé, le fonds Joliot-Curie était déjà classé, inventorié et communiqué aux chercheurs; une unité mixte de recherche avait été créée à cette fin par le CNRS et l’Institut en 1994.
Restait à assurer sa conservation future en le mettant sous l’autorité d’une institution publique. Respectant le souhait des donateurs, la BnF a accepté de laisser en dépôt, dans les archives de l’Institut, l’ensemble de ces documents,
à l’exception de la correspondance entre Marie et ses filles qui vient rejoindre le fonds Pierre et Marie Curie au département des Manuscrits.

Irène Curie : lettre à Marie Curie
Un ensemble d’importance
L’ensemble est d’importance puisqu’il occupe deux cent soixante-dix boîtes d’archives. On y trouve, à côté des archives et de la correspondance scientifiques, une gamme étendue de documents témoignant aussi bien des engagements politiques des Joliot-Curie et de leur réseau de sociabilité que de leur vie quotidienne : correspondance familiale et amicale, carnets de lecture ou de notes et souvenirs de séjours à l’Arcouest en Bretagne, où se retrouvaient depuis le début du siècle,
sous la houlette de l’historien Charles Seignobos, des intellectuels éminents, scientifiques ou littéraires, unis par une commune sensibilité socialiste et laïque.

À cette fameuse « Sorbonne plage », la BnF consacrera une exposition et une journée d’études en mars 2008.
De la découverte du radium en 1898 à celle de la radioactivité artificielle en 1934, du hangar de la rue d’Ulm à la fondation du CEA en 1945, l’histoire des Curie et des Joliot est internationalement connue. Elle intéresse aussi bien l’historien des sciences que le spécialiste d’histoire politique, sociale, culturelle ou institutionnelle. On trouve dans leurs archives l’écho des moments et des mouvements les plus signifiants du siècle passé : la Grande Guerre, pendant laquelle Irène accompagna sa mère sur le front pour radiographier les blessés, le Comité de vigilance des intellectuels antifascistes fondé en 1934, le Front populaire qui nomma Irène au sous-secrétariat à la Recherche scientifique, l’Exposition universelle de 1937 dont Frédéric Joliot fut l’un des organisateurs, la Résistance, puis le Mouvement pour la paix et enfin les aléas de la guerre froide.
Le XXe siècle voit se développer une communauté scientifique internationale cependant que l’optimisme du siècle précédent laisse place à des interrogations sur la responsabilité des savants et les rapports entre science et politique. Dans ce contexte, la grande figure de Frédéric Joliot répond parfaitement à la définition qu’a donnée Michel Foucault de l’intellectuel spécifique, le savant expert qui succède à l’intellectuel universel, juriste, notable ou homme de lettres incarné en son temps par Émile Zola.
Michèle Sacquin