Rénovation du quadrilatère Richelieu
  Le projet de rénovation du site historique de Richelieu, longtemps différé pour des raisons budgétaires, entre maintenant dans une phase décisive. Entretien avec Suzanne Jouguelet, adjointe au directeur des Collections.
  Le quadrilatère Richelieu
© Photo IGN
  Pouvez-vous nous rappeler pourquoi il était indispensable de se mobiliser pour garantir la réalisation de ce projet ?
La rénovation du quadrilatère Richelieu, répond avant tout à un impératif de mise en sécurité d’un bâtiment dont les installations, notamment électriques, ne répondaient plus de longue date aux normes en vigueur. Cette réhabilitation permettra d’offrir aux collections, aux agents et aux lecteurs des conditions d’accueil dignes du site historique de la BnF. Ajoutons que le transfert des collections d’imprimés sur le nouveau site de la BnF, en 1997-1998, avait libéré de nombreux espaces, qu’il convenait de réorganiser pour mieux exercer les missions d’accueil du public et de conservation et de valorisation des trésors de notre patrimoine. L’ambition est double : remédier à la vétusté des bâtiments et des équipements pour satisfaire aux normes en vigueur, redéployer et mettre en valeur les collections spécialisées de la BnF au profit d’un public élargi et diversifié. Enfin, de nouveaux partenaires nous rejoignent, enrichissant encore l’offre : les bibliothèques de l’Institut national d’histoire de l’art (INHA) et de l’École nationale des chartes (ENC) occuperont à nos côtés une partie des espaces du quadrilatère Richelieu.

Quels départements de la BnF sont concernés par ce projet ?

Ce chantier majeur bénéficiera, du fait de la triple amélioration des services au public, de la conservation des documents et du fonctionnement interne, à l’ensemble des départements de collections installés sur le site : Arts du spectacle, Cartes et plans, Estampes et photographie, Manuscrits, Monnaies, médailles et antiques, Recherche bibliographique – celui de la Musique étant situé dans un bâtiment voisin, rue de Louvois. L’accueil du public et l’ensemble des services qui lui sont associés – les expositions, la reproduction, les ateliers de restauration, les services logistiques et techniques – tireront également profit des réaménagements. La transformation des accès et des circulations au sein des bâtiments représente un enjeu fort.

Qui assure le pilotage du projet ?
Depuis un arbitrage interministériel d’octobre 1998 définissant les grandes lignes de l’opération, le pilotage du projet a été confié par le ministère de la Culture et de la Communication (MCC) à l’Établissement public de maîtrise d’ouvrage des travaux culturels (Emoc). Ce dernier a engagé et dirigé les études de programmation et de phasage au profit de l’ensemble des partenaires. Son mandat pour lancer et conduire le réaménagement du site Richelieu, au nom du MCC et du ministère de l’Éducation nationale et de celui de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, a été consigné dans une convention signée le 13 novembre 2006. L’Emoc travaille en concertation étroite avec les institutions bénéficiaires de la rénovation, la BnF étant l’exploitant de l’ensemble du quadrilatère Richelieu et son futur affectataire. L’Emoc élabore et gère des marchés, notamment celui de maîtrise d’œuvre des travaux, attribué à un groupement entre un cabinet d’architectes et des bureaux d’études.

Comment et par qui a été menée la programmation? Quelles en sont les grandes orientations ?
L’étude de programmation détaillée, conduite par Isabelle Crosnier, architecte et programmateur, en collaboration avec deux bureaux d’études, s’est traduite, en avril 2004, par un important dossier fonctionnel et technique.
Après un nouvel arbitrage, rendu par le ministre Jean-Jacques Aillagon à la demande du président Jean-Noël Jeanneney, sur la répartition des surfaces, 3 500 m² supplémentaires ont été attribués à la BnF. L’implantation,
pour les trois institutions, des salles de lecture, magasins, bureaux, ateliers, services, a fait l’objet d’une définition précise : accès, circulations, principes de fonctionnement, surfaces, mobiliers, etc. La continuité spatiale entre les différentes composantes d’un département a été attentivement étudiée. La partie technique du dossier a traité avec une vigilance particulière les moyens de lutte contre l’incendie. La BnF occupera environ les trois quarts de la surface utile (47 000 m²) du quadrilatère, en incluant des services communs. Le dernier quart sera dévolu aux bibliothèques de l’INHA et de l’ENC.

Quelles ont été jusqu’à présent les étapes franchies, notamment pour la redistribution des espaces entre les différents partenaires de la BnF ?
L’ancienne salle de lecture des Imprimés, œuvre de Labrouste, a été attribuée à la bibliothèque de l’INHA, ainsi que quatre niveaux du magasin central sur onze, les sept autres revenant à la BnF, qui y déploiera une partie des collections des Estampes et des Cartes et plans. Les espaces situés au croisement des rues de Richelieu et des Petits-Champs abriteront la bibliothèque de l’ENC. Aujourd’hui, la salle Ovale, ancienne salle des périodiques, ainsi que les bureaux et magasins environnants, sont provisoirement partagés entre la salle de références de la BnF et la bibliothèque de l’INHA. L’ensemble reviendra à terme à la BnF, qui se fixe un objectif ambitieux d’ouverture à un public élargi. L’un des enjeux forts du programme réside dans le renouvellement des accès à cette salle depuis le jardin Vivienne. De façon générale, le principe retenu consiste à étendre les départements autour de leurs emprises actuelles, sans changements majeurs. En revanche, les circulations, les mobiliers seront sensiblement modifiés et les espaces définitivement mis aux normes.

À quelles contraintes a-t-il fallu et faudra-t-il se plier : spécificité des collections, saturation des magasins, respect des bâtiments historiques ?
L’inscription du projet dans un bâtiment ancien, occupé de manière de plus en plus dense au fil des siècles avec des espaces imbriqués et comportant des parties classées et inscrites à l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques, impose de nombreuses contraintes. L’association de l’architecte en chef des Monuments historiques à la maîtrise d’ouvrage représente une garantie sur ce point. La réhabilitation du site est rendue d’autant plus urgente,
que sa densité d’occupation ne cesse de s’accroître. Le cœfficient d’occupation des sols étant déjà largement dépassé, aucune surface nouvelle ne peut être construite – sauf à en supprimer parallèlement une autre. Les magasins sont également saturés : il est grand temps d’offrir aux précieuses collections patrimoniales, en accroissement constant notamment du fait de l’entrée de dons importants, des conditions de conservation dignes de leur valeur.

Escalier au pourtour de la salle Ovale   Escalier d'honneur
Variations autour de l’escalier :
À gauche, côté coulisses, au pourtour de la salle Ovale. À droite, côté public, l’escalier d’honneur.
Photos © Alain Goustard/BnF

Une avancée décisive vient d’avoir lieu avec la désignation d’une équipe de maîtrise d’œuvre pour la réalisation de ce projet. Quand et comment ces opérations vont-elles se dérouler, sachant que la BnF s’impose le défi de maintenir le site en fonctionnement pendant les travaux ?
Le marché de maîtrise d’œuvre pour la réhabilitation du « quadrilatère historique Richelieu » a eu pour lauréat un groupement composé d’un architecte et de bureaux d’études. Les objectifs suivants leur ont été assignés : la mise en œuvre du programme fonctionnel de répartition des espaces ; la rénovation et l’amélioration des services offerts au public ; la mise en sécurité et en cohérence technique du site, en particulier pour améliorer la conservation des collections. Le maître d’œuvre doit engager dès l’été 2007 une phase d’études, qui s’étendra sur deux ans environ.
Elle est destinée tout d’abord à élaborer un schéma directeur architectural et technique d’ensemble, puis à approfondir le programme de la zone située le long de la rue de Richelieu, avant de lancer les travaux avec les entreprises retenues.
Il est, en effet, très vite apparu que les travaux ne pouvaient en aucun cas se dérouler simultanément sur la totalité du site, pour un ensemble de raisons dont la plus importante est la volonté de la BnF, en plein accord avec ses tutelles,
de maintenir en permanence le site ouvert au public. Les travaux se dérouleront donc en deux phases successives.
Le choix s’est porté, après une étude approfondie menée en 2004, sur un partage horizontal du site impliquant en premier lieu le traitement de la partie située le long de la rue de Richelieu, puis celle des espaces situés le long de la rue Vivienne. L’achèvement des travaux est prévu pour le milieu de l’année 2014.

La complexité des espaces, l’ampleur des travaux et le maintien de l’activité sur le site imposent une logique de phasage. Selon quel scénario et avec quelles conséquences pour les services au public ?
Le scénario de phasage impose de libérer totalement la partie du site où se dérouleront les travaux. La BnF étudie donc depuis 2004 la planification de transferts de collections et de personnels. À l’été 2009, le public et le personnel devraient accéder au site par le jardin Vivienne, où seront installés des bâtiments modulaires destinés aux services d’accueil,
du courrier et à des bureaux. Deux salles de lecture provisoires prendront le relais des salles actuellement dévolues aux Manuscrits et aux Arts du spectacle : ces deux départements se partageront la galerie Mazarine ; c’est le retour à la tradition puisque cette galerie a longtemps servi dans le passé de salle de lecture avant d’être dédiée à l’exposition des collections à la fin du XIXe siècle.
Les Manuscrits orientaux verront leur salle de lecture installée dans la Crypte, aujourd’hui dédiée aux expositions.
La Galerie de photographie restera un lieu d’expositions.
Des ensembles de collections seront transférés sur les autres sites de la BnF, tout en restant communicables aux chercheurs en différé. Tous les efforts se conjugueront pour réduire l’impact des travaux sur le fonctionnement des services et préserver des conditions de travail acceptables pour le personnel et pour les lecteurs.
Oreste Friscira


Les grands chantiers de la rénovation technique

L’installation électrique courants forts date de plus d’un demi-siècle. Elle constitue la principale source de risque d’incendie.
L’installation électrique courants faibles : le câblage Voix, Données, Images est actuellement quasi inexistant sur le quadrilatère Richelieu.
Les systèmes de contrôle d’accès, d’alarme anti-intrusion et de vidéosurveillance, également obsolètes, nécessitent d’être rénovés.
Le système de chauffage climatisation sera transformé en totalité. La conservation des collections requiert la maîtrise stricte des conditions climatiques, de température et d’hygrométrie, sans lesquelles les collections seraient vouées à la dégradation.
Les ascenseurs, très anciens, seront remplacés ou rénovés pour permettre des circulations verticales aisées
(le quadrilatère comporte en moyenne 10 à 15 niveaux) pour le déplacement des personnes, le transport et la communication des documents.
L’accessibilité des personnes handicapées représente enfin un objectif essentiel du projet.
Risques d’inondation : on devra, en particulier, se prémunir contre l’éventualité de crue centennale de la Seine.