Vie de la BnF > Quand les lycéens poussent la porte de la BnF Qui sont les lycéens qui fréquentent la BnF ? Pourquoi choisissent-ils de venir y travailler et comment l’utilisent-ils ? Une enquête * met en lumière la diversité de ces publics, la variété de leurs usages et les modalités contrastées de leur appropriation des lieux. Décryptage. La bibliothèque d’étude du Haut-de-jardin est fréquentée par des lycéens qui représentent 7 % de son public. La plupart vivent dans les arrondissements proches et y viennent pour réviser, notamment le bac – ils sont d’ailleurs très nombreux dans les semaines qui précèdent l’examen. Ils poussent rarement les portes de la BnF de leur propre initiative, mais plutôt initiés par un parent, un professeur, ou un pair – camarade, frère ou sœur. S’ils vont étudier en bibliothèque, c’est avant tout parce qu’ils y trouvent un contexte favorable au travail, loin de la pression constante du téléphone et de l’internet. Ils choisissent la BnF plutôt qu’une autre bibliothèque car elle est perçue comme une institution prestigieuse. « C’est la référence pour travailler », dit l’un d’eux. En opposition au CDI de leur établissement, qui est le lieu de l’école, la BnF représente un premier pas dans l’univers convoité des étudiants. Si l’architecture est perçue comme imposante, voire austère, elle est aussi jugée « classe » ; ils apprécient ses espaces, ainsi que l’élégance et le confort du cadre. Les lieux sont investis de façon différenciée selon les lycéens, ou pour un même usager selon ses besoins, variables au cours de la journée où alternent travail, détente, rencontres. Certains se servent des espaces de détente pour travailler en groupe et n’entrent pas dans les salles de lecture, d’autres, au contraire, recherchent le silence et le voisinage d’usagers studieux. Ils sont peu à consulter les ressources papier ou numériques, même si la présence des collections est appréciée car elle structure leur expérience du lieu. La BnF est aussi un lieu où peuvent se concilier efficacité du travail et lien social : on y vient pour se retrouver entre ami(e)s, pour s’entraider, parfois pour faire des rencontres. Les lycéens qui fréquentent la BnF cultivent un rapport ambivalent à leur propre statut : même s’ils sont conscients que la Bibliothèque n’a pas été conçue pour eux, ils se sentent valorisés par le fait d’y avoir accès. Et la plébiscitent dans la mesure où elle leur donne un sentiment de réassurance et leur ouvre les portes d’un futur valorisant. Sylvie Lisiecki Augustin, benjamin des lecteurs du Haut-de-jardin * Étude qualitative menée par Corentin Roquebert (master de sociologie, ENS de Lyon) à partir de 88 entretiens avec 180 lycéens, sous la direction de Cécile Touitou, BnF. Ci-dessus Augustin Lesaule à la BnF Ci-dessous Jeune lycéenne dans une salle de lecture du Haut-de-jardin Photo David Paul Carr/BnF. « Ma mère m’avait dit qu’à la BnF il y avait tout, alors, on est venu, et on a vu que j’étais trop jeune. » Le plus jeune lecteur de la Bibliothèque a obtenu le droit de s’inscrire par dérogation, car il n’a pas 16 ans, l’âge minimum requis. Il est vrai qu’Augustin Lesaule a un profil particulier : à 15 ans il est en première année de classes préparatoires de lettres au lycée Paul Valéry, après avoir « sauté » trois classes à l’école élémentaire et obtenu son bac en série littéraire. Originaire de l’Isère, il est le fils d’un professeur d’histoire et d’une institutrice qui a arrêté de travailler pour s’occuper de ses trois enfants, tous intellectuellement précoces. Le parcours scolaire d’Augustin n’a pourtant pas été un long fleuve tranquille ; comme beaucoup d’enfants « surdoués », il s’est trouvé en difficulté au collège, particulièrement en 4e, où il s’est senti rejeté par ses pairs « à cause de la différence d’âge », explique-t-il. Il suit alors les cours de 3e par correspondance avec le Cned, puis poursuit sa scolarité au lycée Michelet de Nice, qui accueille des enfants de même profil. « J’ai appris à lire à 4 ans et j’adore lire », dit-il encore. Quand on l’interroge sur ses livres favoris il répond d’abord qu’il lit « un peu tout ce qui lui tombe sous la main » et avoue une passion sans mesure pour l’auteur de fantasy Terry Pratchett, dont il a dévoré les 34 tomes des Annales du Disque-Monde, et pour la bande dessinée – De cape et de crocs – mais aussi pour Les Cavaliers de Joseph Kessel. L’avenir ? Il ne sait pas encore. Libraire, peut-être, ou pourquoi pas, bibliothécaire ? Chroniques de la BnF – n°65 – 19 Photo Béatrice Lucchese/BnF.