Expositions > Bourse du Talent 2012 : l’engagement esthétique Les travaux des photographes lauréats de la Bourse du Talent 2012 sont exposés à la BnF. Bikers, migrants ou femmes, ces reportages ont fait le choix de rendre visibles des individus en marge de la société ou à la recherche d’une identité. Ces photographies viendront enrichir les collections du département des Estampes et de la photographie. Portrait, Espace, Mode, peu importent cette année les catégories : la plupart des photographes distingués par la Bourse du Talent ont présenté des reportages en prise directe avec les enjeux brûlants de nos sociétés globalisées. Et avec le souci constant de « franchir les limites du champ photographique », comme le souligne Didier de Faÿs, directeur du site photographie.com, l’un des partenaires de la Bourse du Talent. Territoires et communautés July Glassberg, jeune photographe française vivant à New York, l’un des coups de cœur du jury, a choisi de s’immerger dans un gang de bikers de Brooklyn. Bike Kill documente le style de vie alternatif et ultraviolent d’un groupe de marginaux dont le passe-temps préféré consiste en d’improbables joutes à vélo qui évoquent immanquablement les tournois du Moyen Âge, version grunge. Le traitement classique en noir et blanc d’un sujet trash et spectaculaire produit un effet saisissant. Autre lieu, autre communauté, le lauréat dans la catégorie Portrait, Thomas Sanchez, nous emmène en Argentine. Suenos Compartidos (« Rêves collectifs ») présente l’histoire des habitantes d’un bidonville de Buenos Aires qui décident de transformer elles-mêmes leurs abris de fortune en logements sociaux. Et pour mieux brouiller les pistes, Thomas Sanchez donne à voir cette utopie sociale en produisant un POEM (Petite Œuvre Multimédia) : collage audiovisuel de photos du chantier et d’interviews des ouvrières aussi bien que d’extraits de reportages télévisés. Joan Bardeletti, lauréat dans la catégorie Reportage avec la série Black Snow, va plus loin encore. Son travail se penche sur des migrants africains partis de Libye et dont l’embarcation a échoué sur l’île de Lampedusa, en Sicile. Faute de © Joan Bardeletti. place, les voici transférés dans une station de ski des Alpes italiennes où, par petits groupes, ils sont associés à la vie locale. La tentation de la mise en scène ? Mais, détail décisif, sur de nombreuses photographies en extérieur, indifférent à l’interdit de la mise en scène qui pèse sur tout reportage, le photographe revêt les Africains d’un gilet de sauvetage jaune – assez incongru en plein hiver à la montagne… Ces gilets constituent « une mémoire visuelle de leur parcours qui fut d’abord maritime, et des traumatismes vécus », explique l’artiste. La série Barbapapa qui vaut à Isabelle Chapuis le prix dans la catégorie Mode, semble en comparaison plus légère. Elle met en scène selon des cadrages divers un garçon noir, torse nu ou revêtu d’un blouson en cuir, dont la beauté et l’air grave contrastent avec le rose Cette édition est dédiée à Rémi Ochlick, décédé lors d’un reportage en Syrie. fi landreux de la barbe à papa. Loin des clichés de mode traditionnels, quelque part entre portrait et design gastronomique, cette série ludique et sophistiquée donne surtout à voir un jeune garçon quittant symboliquement l’enfance. Bikers, migrants, femmes, préadolescent : par un usage novateur du médium photographique, il s’agit donc à chaque fois de rendre visibles des groupes ou des individus en marge ou en transit. Avec l’espoir que ces images désormais consacrées par la Bourse du Talent puissent aussi favoriser leur quête d’un nouveau territoire, d’une nouvelle identité. Bertrand Dommergue Bourse du Talent 2012 14 décembre 2012 – 17 février 2013 Site François-Mitterrand, Allée Julien Cain Page de gauche Bourse du Talent 2012, no51 Mode Barbapapa, photo Isabelle Chapuis, lauréate Ci-dessus Bourse du Talent 2012, no49 Black Snow, janvier 2012, reportage Joan Bardeletti. © Isabelle Chapuis Chroniques de la BnF – n°65 – 5