Expositions > Cartes portulans : secrets de restauration Alors que l’exposition L’âge d’or des cartes marines se poursuit jusqu’au 27 janvier 2013, Alain Roger, responsable de l’atelier de restauration du département des Cartes et plans de la BnF, revient sur les prouesses techniques qui permettent de rendre aux cartes portulans leur éclat d’origine. AVANT APRÈS En dehors des dégâts causés par les pliures, les cartes souffrent souvent de lacunes importantes. La célèbre carte Pisane (1290), qui est aussi la plus ancienne, se trouvait dans ce cas. Pour la traiter, plusieurs très fines peaux de parchemin ont été superposées. « Si nous avions comblé la lacune avec une peau d’épaisseur similaire à celle d’origine, nous risquions d’avoir des problèmes de tension au niveau du collage », explique Alain Roger. Un accrochage maîtrisé Mais l’ingéniosité de l’atelier des grands formats [lire encadré ci-dessous] excède la seule restauration pour influer sur l’accrochage lui-même. Des capots climatiques, à l’hygroscopie régulée, ont été nécessaires pour les portulans rehaussés d’or ou d’argent. Grâce à la climatisation de la salle, les autres ont été tendus sur un carton plume et directement fixés sur la cimaise. La carte apparaît ainsi dans toute sa splendeur, sans attaches visibles, tel un tableau ! « La restauration des cartes ne permet pas l’erreur et nécessite d’aller très vite », ajoute Alain Roger. Restaurer un grand format (2,20 × 1,60 m) comme celui de la carte de la Méditerranée de François Olive (1662), composée de plusieurs peaux raboutées, exige dextérité et rapidité. C’est à ce prix que ce type de carte est présenté aujourd’hui dans l’état le plus proche possible de celui d’origine. Bertrand Dommergue L’Atlas catalan d’Abraham Cresques (1375), le Planisphère de Nicolaus de Cavério (1505) ou la carte du Pacifique de Hessel Gerritsz (1622) : les cartes maritimes les plus prestigieuses sont anciennes, précieuses et fragiles. Une vingtaine parmi les 80 cartes exposées ont nécessité une restauration. Pourtant, peu d’entre elles ont servi en mer, puisque les cartes portulans sont très vite devenues surtout des objets artistiques expliquant le Monde. Une cause fréquente de leur détérioration remonte aux années 1950, avec l’immersion des parchemins dans des bains de méthanol qui permettaient d’en fi xer les couleurs et d’assouplir le document. Résultat : des plis nombreux et parfois très marqués, comme sur la carte de l’Atlantique (1618) de Domingo Sanches… Afi n de remettre à plat ces cartes, le restaurateur encolle le parchemin assoupli sur une toile de coton, doublée d’un papier Japon à fibres longues tendu sur un châssis métallique. Puis vient le processus de séchage : « Six à huit mois sont nécessaires pour que le parchemin perde la mémoire de ses plis », précise Alain Roger. Après quoi, la carte retrouve une lisibilité optimale, avec une échelle préservée ainsi que les lignes de rhumbs et des latitudes parfaitement rectilignes. À la fin du processus, on arrache mécaniquement la toile à sec afi n de retrouver le document dans son état originel. Ci-dessus BnF, Cartes & Plans Un atelier unique au monde Le département des Cartes et plans de la BnF est le seul au monde à disposer d’un atelier spécialisé dans le traitement des grands formats. Quatre restaurateurs y travaillent à plein-temps : Alain Roger, Évelyne Cabourg, Isabelle Suire et Sandy Dupuet. Cet atelier traite 1 800 documents par an – cartes et plans, mais aussi affiches ou globes, souvent très endommagés. Son savoir-faire unique a permis de mettre au point de nombreuses techniques innovantes de restauration. L’atelier le diffuse partout dans le monde sous la forme de formations triennales, à raison d’une semaine par an. Carte de l’Atlantique de Domingos Sanches, créée en 1618, enluminée sur une feuille de vélin de 95 × 84 cm, restaurée et présentée dans l’exposition « L’Age d’or des cartes marines » L’âge d’or des cartes marines – Quand l’Europe découvrait le monde Jusqu’au 27 janvier 2013 Site François-Mitterrand, Grande galerie Commissariat : Catherine Hofmann, Hélène Richard, Jean-Yves Sarazin, Emmanuelle Vagnon Avec le soutien de la Fondation Total et d’Esri France En partenariat avec La Croix, L’Histoire et Le Figaro Magazine En partenariat avec l’Agence nationale de la recherche, programme Me Dian 8 – Chroniques de la BnF – n°65