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Trois questions à Albert Uderzo
Chroniques : Comment est né Astérix ? Albert Uderzo : En 1959, nous étions en train de créer un nouveau journal, Pilote, et le responsable du journal voulait que ses enfants puissent y lire des bandes dessinées en rapport avec notre culture, en réaction contre la bande dessinée américaine qui était dominante à l’époque. Nous avons donc pensé au Roman de Renart, une légende très ancienne, mais l’un de nos confrères nous a appris que cela avait déjà été fait. Nous étions dans l’urgence, et c’est à ce moment que nous avons pensé à « nos ancêtres les Gaulois » en nous remémorant nos souvenirs d’école. Comment travailliez-vous avec René Goscinny ? A. U. : C’était une collaboration déjà très ancienne, puisque nous travaillions ensemble depuis 1951. Nous nous connaissions parfaitement et il y avait une véritable osmose entre nous. Avec le succès de Tintin, les directeurs de journaux
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nous demandaient toujours de faire des personnages dans cette veine. Lorsque nous avons créé Astérix, nous étions d’accord pour imaginer un personnage typiquement humoristique et assez grossier pour se différencier complètement de Tintin. Mais certains personnages sont arrivés par accident, comme Idéfix. Dans Le Tour de Gaule d’Astérix, les deux héros ramènent un produit de chaque région qu’ils ont visitée. En allant acheter du jambon de Lutèce – de Paris bien sûr ! – dans une boucherie, il y a à la porte un tout petit chien. J’ai demandé à Goscinny – son scénario était déjà écrit jusqu’à la fin – si je pouvais continuer à dessiner le petit chien tout au long de l’album. Et dans la dernière image, on le voit partir du banquet en emportant un os dans sa gueule. Cela aurait dû s’arrêter là, mais nous avons été piégés par les lecteurs qui nous ont envoyé un abondant courrier posant des questions sur le petit chien et demandant comment il s’appelait. Alors, nous avons organisé un concours auprès des lecteurs de Pilote pour chercher le nom du petit chien et cinq d’entre eux ont proposé Idéfix. Nous avons gardé le petit chien et le nom !
En haut
Astérix et le chaudron, planche 13, Texte : René Goscinny. Dessin : Albert Uderzo. Édition originale, Dargaud, 1969
Ci-dessus
Après la mort de Goscinny, vous avez commencé à écrire aussi les scenarii d’Astérix… A. U. : À la mort de René Goscinny, la réaction de la presse a été assez discourtoise à mon égard en assimilant la mort de Goscinny à la mort d’Astérix. J’ai mis deux ans à réagir et puis, j’ai osé me dire que j’allais continuer seul. J’ai créé ma propre maison d’édition pour être en mesure de poursuivre. J’ai écrit Le Grand Fossé, et je me souviens de la remarque d’un journaliste qui a dit que ce devait être un scénario que Goscinny avait composé avant de mourir. C’était le plus beau compliment que l’on pouvait me faire !
Propos recueillis par Sylvie Lisiecki
Albert Uderzo
© Philippe Cauvin, 2010
À voir aussi :
L’exposition Albums - Bande dessinée et immigration. 1913-2013 se tient du mercredi 16 octobre 2013 au dimanche 27 Avril 2014 à la Cité nationale de l’histoire de l’immigration. À travers plus de deux cents pièces et documents originaux, Albums présente les histoires de ces enfants d’immigrés européens partis au début du siècle aux États-Unis et qui ont contribué à créer un neuvième art mais aussi celles de ces auteurs d’origines italienne, sénégalaise, algérienne ou vietnamienne venus vivre et travailler en France.
© 2013 Les Éditions Albert René/Goscinny – Uderzo. BnF, Littérature et art