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Hommage : Pierre Desproges, un garçon très mal élevé !
Artisan du verbe et anticonformiste viscéral, Pierre Desproges était provocateur par nature. La BnF lui consacre un après-midi d’hommage à l’occasion des 25 ans de sa mort. Entretien souriant et authentique avec la cadette de ses deux filles, Perrine Desproges.
Chroniques : Vous faites actuellement un travail de classement autour des archives de votre père. Quel est leur volume et en quoi consistent-elles ? Perrine Desproges : Ces archives représentent une centaine de cartons qui contiennent toutes sortes de documents : beaucoup de cahiers, de carnets, des feuilles volantes soigneusement regroupées dans des chemises, des post-it, des notes (« idées en vrac », « idées pour plus tard »), des enregistrements de chansons, des courriers personnels ou professionnels, des dessins, des photos… Elles témoignent d’un intérêt pour des formes très variées*. Est-ce que ces archives laissent supposer une méthode de travail particulière ? P . D. : Je ne crois pas qu’on puisse parler de méthode. Mon père a commencé à écrire pour la rubrique des faits divers de L’Aurore, et je pense que cette confrontation avec le quotidien, mais aussi la rigueur et la régularité liées au travail journalistique, ont beaucoup influé sur son futur travail d’auteur. Il était très sensible, très perméable au quotidien ; on le perçoit bien en lisant ou en écoutant Je hais les cintres ou Les Piles, par exemple. Auteur, pas écrivain ? P . D. : Ni l’un ni l’autre ! « Écriveur », artisan plutôt qu’artiste, avec cette exigence que demande la fabrication d’un texte, d’un spectacle. Les documents que je retrouve sont très raturés et témoignent de cela. Mon père était à sa table de travail à partir de 6 heures du matin pour une grande partie de la journée. Il ne fallait pas faire le moindre bruit. J’étais la seule à avoir le droit de dessiner dans un coin de son bureau parce que je savais me taire…
18 – Chroniques de la BnF – no 68
une langue très châtiée pour basculer l’instant d’après dans le registre opposé, c’est la meilleure façon de déstabiliser l’auditoire, non ? L’outil par excellence de la provocation ? P . D. : Oui, mais avec sincérité, toujours. Mon père aimait les mots (il pratiquait notamment beaucoup les dictionnaires), mais il avait cette exigence du mot qui correspond à une sincérité du sentiment. Il nous disait par exemple, à ma sœur et à moi : « Ne dis pas “mince”. Si tu penses “merde”, tu dis “merde”. » Provocateur, anticonformiste, apolitique : est-ce que ces qualificatifs vous semblent être représentatifs de la personnalité de votre père ? P . D. : Bien sûr. On m’a même dit l’autre jour de lui que c’était un « vrai punk ». C’est vrai. Il y a chez lui un refus de la règle et une haine du groupe qui remontent à l’enfance. « Plus d’une bande de quatre, on est une bande de cons », disait Brassens. Et Desproges ajoute : « a fortiori, moins de deux, c’est l’idéal. » Ce luxe-là, c’est celui d’être en scène, seul contre tous.
Propos recueillis par Corine Koch
* Il a écrit pour la presse écrite, la radio (Tribunal des flagrants délires, France Inter), la télévision (Le Petit Rapporteur, La Minute nécessaire de monsieur Cyclopède) et pour la scène bien sûr.