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L’atelier de Jean-Claude Grumberg
Dramaturge, scénariste, auteur pour la jeunesse, Jean-Claude Grumberg a fait don de ses archives au département des Arts du spectacle. Il revient sur son parcours d’écrivain dans un entretien avec Annick Tillier, responsable du fonds.
Chroniques : Comment en êtes-vous venu à écr i re pour le théâtre ? Jean-Claude Grumberg : Je ne me destinais pas du tout à l’écriture, mais j’ai toujours été un grand lecteur. Lorsque j’étais apprenti tailleur, j’ai eu la chance de rencontrer des gens qui faisaient du théâtre amateur et m’ont proposé de travailler avec eux. Je n’avais pratiquement jamais vu de pièces auparavant. À la fin de mon apprentissage, j’ai décidé de devenir comédien professionnel. C’était difficile, mais j’avais appris le métier du théâtre, j’ai donc fait un peu de régie et il m’est arrivé de remplacer des comédiens. C’est au cours des tournées que je faisais avec la compagnie Jacques Fabbri que j’ai commencé à adapter pour le théâtre une nouvelle de Tchekhov. Je me suis aperçu que cela ne m’était pas difficile et j’ai enchaîné avec des pièces plus personnelles. Ensuite, des circonstances privées m’ont fait découvrir que l’on écrivait avant tout pour s’exprimer. Il y a deux événements qui ont fait de moi un auteur : le premier est le fracas de la porte au moment de l’arrestation de mon père, le second est la perte d’un enfant. Dès lors, je me suis mis à écrire en fonction de ce que je ressentais et non plus en fonction de ce que l’on attendait de moi. De quels auteurs vous sentezvous proche ? J.-C. G : Mes plus grandes émotions de lecture sont des émotions traduites : c’est ainsi que j’ai lu Tchekhov, Hemingway, Steinbeck, Faulkner, O’Neill… Pour ce qui concerne la littérature française, j’ai beaucoup aimé le Giono d’avant la guerre, en particulier Jean le Bleu. Jusqu’à Beckett et Ionesco, le théâtre n’était qu’une branche de la littérature. Beckett est
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le premier à avoir pris conscience qu’après la Seconde Guerre mondiale, il fallait trouver un autre biais pour que le discours puisse s’exprimer. Il ne s’agissait plus de tirer des leçons ou – comme chez Sartre et Camus – de faire que la parole mène à la réflexion, mais de s’exprimer. Bien sûr chacun doit trouver sa manière, mais celle-ci est dictée par le désir de parole. Dans mon cas, s’exprimer, c’est raconter mon histoire. Vous semblez avoir pris goût à l’écriture de pièces pour enfants… J.-C. G : En effet, je viens de terminer ma dixième pièce pour la jeunesse. La première était une commande d’un directeur de théâtre anglais. Je n’y aurais pas pensé de moi-même, car en France, nous ne sommes jamais invités à écrire pour les enfants : à Paris, contrairement à d’autres capitales, il n’y a aucune salle qui leur soit spécialement dédiée. Le théâtre pour enfants m’a donné une liberté nouvelle. Dans certaines de mes pièces, par souci d’économie, j’employais des décors uniques. Avec le théâtre pour enfants, j’ai retrouvé la liberté de changer de lieu, puisque l’action se passe dans un monde imaginaire. Quels sont vos projets ? J.-C. G : Je viens de terminer Pour en finir avec la question juive, qui paraîtra prochainement chez Actes Sud. Je répète actuellement un petit spectacle qui va démarrer en septembre, au Théâtre de Poche, à l’occasion de mes 50 ans d’écriture, qui comprendra Michu, une scène de Dreyfus, une version brève des Rouquins, une scène de L’Atelier, Maman revient pauvre orphelin, un Ça va ?, un extrait de Pleurnichard et le début du Petit chaperon Uf.
Propos recueillis par Annick Tillier
© Olivier Roller/Divergence
Concours des dix plus belles affiches du festival OFF d’Avignon 2013