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Anders Petersen, le reportage intime
Les quelque 400 photographies en noir et blanc présentées site Richelieu constituent une magnifique et fulgurante traversée de l’œuvre élaborée pendant un demi-siècle par l’artiste suédois.
Quel destin peut connaître un jeune photographe qui, dès son premier essai, conçoit une œuvre unanimement saluée et reconnue ? La série Café Lehmitz d’Anders Petersen a en effet marqué son époque, et on y discerne déjà ce qui sera maintenu d’une main sûre pendant plus de 40 ans. Café Lehmitz Né en 1944 à Solna (Suède), Petersen envisage très tôt une carrière artistique. Il délaisse la peinture pour recevoir l’enseignement de Christer Strömholm qui a, tant sur son art que sur sa conception de la vie, une influence durable. La vision du monde et « l’approche » de Petersen se dévoilent dans Café Lehmitz. Il choisit ce lieu clos, peuplé de marginaux qui forment une famille et un univers, s’y sent accueilli, libre, apprécié. L’expérience du contact humain, de ses épreuves et de ses joies lui importe davantage que le souci de la belle image. Non qu’il produise un document ou une étude sociale. Cet aspect, certes présent dans son travail, cède le pas à l’intérêt porté à autrui. Petersen ne gomme pas sa présence dans une démarche de voyeur. Le travail de prise de vue rend tangibles les postures et les distances, les liens qu’il noue avec tout milieu où il se meut. Cette exigence éthique fait la force des séries consacrées à l’enfermement. Que les murs du café Lehmitz laissent la place à ceux de l’hôpital psychiatrique ou aux grilles de la prison, l’intention reste la même. Vivre l’expérience jusqu’au bout, être admis, rendre palpables les sensations et les émotions émanant du lieu et des personnes qui s’y trouvent. Il en résulte une ligne de force puissante, fondée sur le corps en mouvement du photographe. Petersen ne cherche
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Anders Petersen, Stockholm, 2000
Ci-contre
Anders Petersen, Karlstad, Suède, 2000
© Anders Petersen. Courtesy Galerie VU’
Catalogue
Anders Petersen, avec des textes de anne Biroleau, Hasse persson et Urs stahel. Coédition BnF / Max ström, 2013 – 49 euros.
Une collection d’instants et d’émotions Il n’a cessé d’évoluer subtilement au fil des rencontres et des voyages, sans renier le mode d’approche de ses premières photographies, ou leur ancrage dans le vécu et l’émotion personnelle. Proche de la street photography, Petersen n’appartient à aucune « école », mais se situe dans le même champ qu’Ed van der Elsken, Daido Moriyama ou Robert Frank. Une forme maîtrisée et magistrale de reportage intime où l’on ne craint pas les sujets difficiles, parfois voisins de la photographie documentaire, exigeant une totale disponibilité mentale, un retour vers soi-même pour mieux se rapprocher de l’autre. Outre le tirage analogique ou numérique et le dispositif d’exposition, l’un des aboutissements de son œuvre se situe dans le livre. Chez Petersen, la photographie se décline sous de multiples formes, toutes légitimes. Son récent ouvrage, City Diary 2, en constitue l’exemple parfait : sans texte ni légendes, il propose une collection d’instants et d’émotions aboutés avec le dynamisme audacieux du cut-up. Le noir et blanc y est à son apogée, univers en soi où peut se déployer l’imagination du spectateur.
Anne Biroleau
1. Propos recueillis sur http://www.gommamag.com. 2. Publié en 2012 aux éditions Steidl, ce livre a reçu le prix Paris-Photo Aperture Foundation.
2 x Paris : JH Engström et C. Strömholm