Pierre Henry confie son œuvre à la BnF
  Alors qu’il fête ses 80 ans (le 9 décembre 2007), le compositeur Pierre Henry confie à la BnF l’ensemble de son œuvre pour qu’elle y soit conservée et rendue accessible au public.
 
Pierre Henry
Cent seize œuvres majeures, ou opus, vont être numérisées dans une version définitive par la BnF sous la direction de Pierre Henry lui-même. Près de quatre cents œuvres d’application, écrites pour la danse, le cinéma, le théâtre, la publicité… seront également numérisées. La numérisation de la documentation associée à ces œuvres complétera ce fonds. L’ensemble couvre une des œuvres musicales les plus fécondes et les plus originales du XXe siècle. Père avec Pierre Schaeffer de la « musique concrète », Pierre Henry est en effet l’un des compositeurs majeurs de notre temps.
De la Symphonie pour un homme seul (avec Pierre Schaeffer) en 1949 à Utopia (hommage à Claude-Nicolas Ledoux) en 2007, en passant par la Messe pour le temps présent (avec Michel Colombier) en 1967 ou encore la Dixième symphonie en 1979, il n’a cessé d’innover tant du point de vue de la composition (la première œuvre française de « musique électroacoustique » : Haut voltage en 1956, les influences rock de la Messe de Liverpool et de la Messe pour le temps présent, le classicisme de la Dixième symphonie ou de Dracula, en 2002, inspiré de la Tétralogie de Wagner) que de l’« instrumentation » (terme éminemment impropre ici mais qui, du piano au montage polyphonique numérisé, recouvre un spectre inégalé de mise en sons de la musique).
De même la confrontation avec d’autres formes d’expression comme le théâtre, la danse, le cinéma, mais aussi les arts graphiques, est-elle une constante de son œuvre. En témoigne notamment une longue collaboration avec le chorégraphe Maurice Béjart qui culmine avec la Messe pour le temps présent, présentée au Festival d’Avignon en 1967.
Trente ans plus tard, les DJ’s de la scène techno s’empareront des jerks de la Messe et feront de Pierre Henry le parrain des musiques électroniques. On ne peut évoquer l’œuvre musicale de Pierre Henry sans évoquer son studio, SON/RE, installé dans sa maison de la rue de Toul dans le XIIe arrondissement de Paris. Ainsi explique-t-il, à propos de sa composition la Maison des sons (1989) : « J’ai voulu faire entendre que la maison que j’habite, qui est aussi mon studio, est devenue en quelque sorte mon atelier privilégié où la méditation côtoie l’écoute et depuis quelques années la création picturale. »
Et la maison/studio devient lieu de concert en 1996 avec une série de performances Pierre Henry chez lui données dans le cadre du Festival d’Automne de Paris. Depuis l’expérience se renouvelle régulièrement. « Conviant les mélomanes à découvrir ses créations dans la maison singulière qui lui sert de studio et d’auditorium polyphonique : l’homme […] y offre ses bruits et son bordel merveilleux en colimaçon. » (Libération, 17/07/2007).
En marge des avant-gardes officielles Pierre Henry construit une œuvre unique dont le moindre des paradoxes n’est pas d’être une musique « savante » autant que « populaire », touchant le plus grand nombre.
Après les archives sonores de l’Orchestre de Paris et celles de l’Institut de musique électroacoustique de Bourges (Imeb) l’an dernier, l’œuvre de Pierre Henry rejoint les collections musicales et sonores de la BnF. Elle s’inscrit en cela dans une riche tradition qui, de Nadia Boulanger à Olivier Messiaen, a vu nombre d’archives sonores-musicales inédites être confiées à la BnF afin d’y être pérennisées et rendues accessibles au public.
Pour autant le don fait par Pierre Henry est un événement exceptionnel : c’est en effet la première fois qu’une œuvre est ainsi donnée dans sa totalité par le compositeur lui-même.
Pascal Cordereix