La musique est « rare » à la BnF !
Après quelques saisons de silence, la musique va à nouveau se faire entendre à la BnF.
Le 18 décembre 2007 s’ouvre un cycle de concerts qui fera découvrir au public les richesses musicales de la Bibliothèque, issues le plus souvent des collections du département de la Musique mais aussi de celles des Arts du spectacle et de l’Audiovisuel.
Jean-Luc Tingaud
Jean-Luc Tingaud, chef d’orchestre, pianiste, musicologue (mais aussi polytechnicien), qui fut l’assistant du grand chef d’orchestre Manuel Rosenthal,
a proposé à la BnF ce nouveau cycle de concerts, qui renoue avec une ligne programmatique ouverte dans les années 1980 par André Miquel et François Lesure, menée ensuite en association avec le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, puis confiée, de 1998 à 2002, par Jean-Pierre Angremy à trois musiciens, le chanteur François Le Roux et les pianistes Jeff Cohen et Alexandre Tharaud.
Ces programmations successives ont reposé sur le même principe, celui de monter, à partir d’inédits ou d’éditions rares conservés à la BnF, des programmes originaux(1) qui, de plus, font s’exprimer de jeunes musiciens professionnels et où la dimension encyclopédique de la Bibliothèque est sollicitée pour replacer la musique dans son contexte historique, littéraire…

Variation sur les thèmes de l’inédit et du rare
Jean-Luc Tingaud propose à travers ce nouveau cycle une variation sur les thèmes de l’inédit et du rare, de la jeunesse et de la conversation entre les arts et les disciplines. Du côté des répertoires, il choisit d’aborder largement le domaine de la musique française, du XVIIIe au XXe siècle, tant instrumentale que vocale. Une orientation nette est cependant donnée au travail d’interprétation « qui commence par le choix et l’analyse de sources originales et la définition,
par la connaissance de son contexte, du style approprié à l’œuvre
», souligne le musicien.
Du côté des artistes, Jean-Luc Tingaud a recours à deux ensembles : OstinatO (orchestre-atelier de 38 musiciens de moins de 26 ans lauréats de conservatoires, fondé en 1997 sous l’égide de Manuel Rosenthal) et l’Atelier lyrique de l’Opéra. Les deux formations se fixent pour objectif de placer les jeunes musiciens en situation professionnelle,
dès la fin de leurs études – l’une pour des instrumentistes, l’autre pour des chanteurs.
Du côté des publics, Jean-Luc Tingaud poursuit une quête de diversification et d’ouverture en se fondant sur de nouveaux modes de présentation des œuvres et de présence des musiciens, qui privilégient le commentaire des œuvres, la rencontre avec les auditeurs, voire l’articulation des concerts avec d’autres manifestations de la BnF, notamment ses expositions et colloques.

Le coup d’envoi
Cette première saison proposera trois concerts. Le coup d’envoi sera donné avec, pour la première fois en France et en français, Krapp ou La dernière bande, opéra sur un texte de Samuel Beckett que celuici, excellent pianiste,
avait confié à son ami le compositeur Marcel Mihalovici(2), et qu’ils ont composé « à quatre mains ».
Cette œuvre, pour baryton, orchestre et bande magnétique, fut créée, à Bielefeld en février 1961. Elle sera mise en scène sur le plateau du Grand Auditorium du site François-Mitterrand (y plaçant les musiciens aux côtés de Jacques Bona, le chanteur soliste). Cette première manifestation est parfaitement emblématique de la série de concerts,
qui associera fortement musique et littérature et fera dialoguer musique vivante et musique enregistrée. En outre,
la mémoire, la production puis l’exploitation de ses traces sont le sujet même de l’œuvre !
En février 2008, le programme sera centré sur deux symphonies concertantes du chevalier de Saint-George(3),
reflet de l’intense activité dans le domaine des concerts symphoniques à la fin du XVIIIe siècle à Paris, où venait s’illustrer tout ce que l’Europe comptait alors de virtuoses de l’écriture aussi bien que du jeu instrumental, tel le jeune Mozart qui y donna, en 1778, sa symphonie concertante pour instruments à vent.

L’expertise debussyste
Enfin, la richesse et l’expertise debussystes du département de la Musique et de son voisin, rue de Louvois, le Centre de documentation Claude Debussy, seront sollicitées pour la création du Gladiateur, cantate que l’auteur de Pelléas et Mélisande proposa au jury du prix de Rome en 1883. L’œuvre, dont le département de la Musique possède la partition d’orchestre en manuscrit autographe, lui valut un premier second grand prix. Elle suscita une admiration réservée de ses juges saluant « une nature musicale généreuse mais ardente parfois jusqu’à l’intempérance». Lors du concert de mai, elle sera représentée pour la première fois avec les jeunes chanteurs de l’Atelier lyrique de l’Opéra(4).
Sur ce rythme trisannuel, Jean-Luc Tingaud, en concertation – que chacun souhaite étroite – avec Catherine Massip, directrice du département de la Musique de la BnF, envisage de futures saisons : autour d’Olivier Messiaen en 2008 ou de Chopin en 2010 à l’occasion des anniversaires de leurs naissances.
Mais aussi autour de Prokofiev et des compositeurs russes, dont les manuscrits abondent au département de la Musique, ou de la musique écrite pour le cinéma.
Elizabeth Giuliani


(1) Notamment Mozart puis la musique de chambre pour formations inhabituelles dans le premier cycle, la mélodie française dans le deuxième.
(2) Compositeur d’origine roumaine (1898-1985).
(3) Compositeur et violoniste virtuose, originaire de la Guadeloupe, né d’une esclave d’origine sénégalaise et d’un noble planteur (1745-1799), succéda à
Gossec à la direction du Concert des Amateurs puis dirigea la Société des concerts de l’Olympique.
(4) L’édition, chez Durand, des œuvres complètes de Claude Debussyen prépare la publication sous la direction de
Denis Herlin.

LES INÉDITS DE LA BNF - CONCERTS

Krapp ou la dernière bande, partition opératique sur un texte de Samuel Beckett.
Direction musicale: Jean-Luc Tingaud. Ensemble OstinatO
18 décembre 2007 / 18h30 - 20h
Site François-Mitterrand - Grand Auditorium. Entrée libre.