Une section est, par exemple, consa-
crée aux grisailles, technique très pri-
sée à la cour de Bourgogne : exercices
de virtuosité pour les artistes, ces
images exploitent toute la gamme des
gris et des blancs, rehaussés d’or et
parfois de couleurs pour les carna-
tions ou pour le ciel.
De nouveaux artistes identifiés
L’identité des artistes n’est pas tou-
jours passée à la postérité. En effet,
bien que l’on dispose grâce aux
sources corporatives ou échevinales
de très nombreux noms d’artistes, on
est le plus souvent incapable de les
rapporter à des manuscrits car les
miniaturistes ne signent pas leurs
œuvres. Ils portent donc souvent des
noms de convention, forgés sur celui
du commanditaire, tel « le Maître de
Wavrin», ou sur une caractéristique de
leur style, tel « le Maître aux grisailles
fleurdelisées ». Les livres de comptes
Ci-dessus
Grotesque du
Livre des propriétés
des choses
,
enlumineur :
atelier du
Maître d’Antoine
de Bourgogne,
vers 1465-1475
Ci-contre
Jacques de Guise,
Chroniques de
Hainaut
: Philippe
le Bon recevant en
conseil l’hommage
des
Chroniques de
Hainaut,
Rogier Van
der Weyden, 1446
Analyse d’une œuvre
Philippe le Bon recevant l’hommage des
Chroniques de Hainaut
L’homme vêtu de noir au centre de l’image est Philippe le Bon, duc de Bourgogne, avec dans sa proximité
le jeune Charles, son unique héritier, celui que la postérité appellera le Téméraire. L’assemblée est composée
de personnages choisis qui, ensemble, forment le conseil ducal. Sur la gauche, les légistes et gens de robes,
les piliers de l’appareil administratif. En bleu, accoudé au trône, le chancelier Rolin, qui a la garde des Sceaux
mais dont le pouvoir et le prestige dépassent la fonction. À ses côtés, vêtu de rouge, Jean Chevrot, évêque
de Tournai et chef du conseil. Derrière eux, probablement Guy Guilbaut, maître de la chambre des comptes
de Lille. À l’opposé, les nobles de haut rang qui exhibent tous le collier de la Toison d’or, réservé à l’élite de
la noblesse. Les uns et les autres constituent ensemble le conseil qui gère les affaires de l’État bourguignon.
Simon Nockart, haut fonctionnaire du Hainaut, est figuré faisant don des
Chroniques de Hainaut
. L’image,
qui s’apparente à un hommage vassalique, fut peinte en 1446 par Rogier Van der Weyden, dont on ne connaît
pas d’autres miniatures. Elle prend place au cœur de l’exposition parisienne.
ou les quittances émanant de l’admi-
nistration ducale résolvent parfois la
difficulté. «Nos recherches nous ont
permis d’identifier un maître comme
Philippe de Mazerolles, explique
Pascal Schandel, l’un des deux com-
missaires de l’exposition. Français
d’origine installé à Bruges, il avait le
titre – honorif ique – de valet de
chambre de Charles le Téméraire.
L’analyse croisée des archives ducales
et de manuscrits divers a permis de
retrouver son corpus, mais il a fallu
pour cela modifier la focale du ques-
tionnement ordinaire, étudier le
décor secondaire, autant sinon plus
que les miniatures elles-mêmes. » Son
rôle était celui d’un maître d’œuvre,
il recourait à d’autres artistes parfois
plus novateurs, mais imprimait son
style en peignant les bordures, comme
par exemple pour les ordonnances
militaires de Charles le Téméraire.
Des œuvres jusque-là inconnues ont
également pu être attribuées, notam-
ment dans les fonds de la Bibliothèque
de l’Arsenal. «Nous voulions montrer
des manuscrits méconnus, explique
Ilona Hans-Collas, l’autre commis-
saire de l’exposition. Par exemple, ce
tout petit livre d’heures du «Maître du
livre de prières de Dresde », pas plus
haut que la paume de la main. Nous
avons été soucieux aussi de faire
découvrir des artistes que nous avons
pu localiser. Depuis quelques années,
la cartographie de l’enluminure
flamande a sensiblement évolué et
l’exposition en rend compte. » Les per-
sonnalités artistiques majeures de
l’époque sont présentées dans une
«galerie d’artistes » par affinités stylis-
tiques, laissant les «peintres de livres »
défendre leurs couleurs. Au visiteur
de se laisser aller au jeu des confron-
tations et de terminer son chemine-
ment par l’espace de consultation
muni de bornes multimédias où cha-
cun peut librement aller plus loin.
Sylvie Lisiecki
Catalogue :
Miniatures
flamandes, 1404-1482
sous la direction de Bernard Bousmanne
et de Thierry Delcourt avec la
collaboration d’Ilona Hans-Collas, Pascal
Schandel, Michiel Verweij et Céline
Van Hoorebeeck, coédition BNF/KBR.
BnF, Manuscrits.
Bibliothèque royale de Belgique, Manuscrits.
Expositions
> Miniatures flamandes
6
– Chroniques de la BnF – n°61