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– Chroniques de la BnF – n°64
Expositions
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LA PHOTOGRAPHIE EN CENT CHEFS-D’ŒUVRE
Chroniques :
Pourquoi
«cent chefs-d’œuvre»?
Marc Pagneux:
Tout a été dit sur la
photographie et son histoire, depuis
l’historiographie classique jusqu’à la
remise en cause de la notion d’œuvre
dans les années 1970, où l’on a fait la
part belle à la photographie d’amateur.
Il nous a semblé que le moment était
venu de donner un avis sur les œuvres.
La collection de photos de la BnF est
la plus importante au monde, quel que
soit le genre considéré: portrait, pay-
sage, nu, reportage… Ces fonds sont
connus des chercheurs, et aussi du
public par le biais des expositions.
Pourtant je ne suis pas sûr que le grand
public ait conscience de l’ampleur de
la collection, qui se compte enmillions
d’images. Mais ce n’est pas tout : il faut
rendre hommage aux personnes qui
ont été en charge des collections et ont
eu le flair de récolter des images d’ar-
tistes qui se sont révélés des «grands»
de la photographie. Par exemple, la
BnF possède un tirage d’une photo
de Gilles Caron prise en mai 1968, qui
est pour moi une icône. Il a été acheté
en galerie peu après, et c’est un mer-
veilleux tirage en grand format !
Chaque jour des centaines de millions
d’images sont produites, dont il ne
reste rien. Montrer cent photographies
sur une durée de trois mois dans un
lieu de savoir prestigieux, c’est aussi
affirmer une position philosophique
par rapport à la production des images.
Comment avez-vous procédé
pour sélectionner cent
photographies, et cent seulement?
M. P.:
L’idée était de confronter deux
regards complémentaires : celui de
quelqu’un en charge d’un fonds et qui
Une mosaïque
d’images
Marc Pagneux, expert et collectionneur, est l’un des deux commissaires de cette exposition avec Sylvie Aubenas, directrice
du département des Estampes et de la photographie de la BnF. Il a apporté son regard et ses références personnelles
à la sélection de cinquante icônes de la photographie, et de cinquante autres images moins connues. Entretien.
le connaît extrêmement bien, et celui
de quelqu’un d’extérieur, qui a dans
son panthéon personnel des « petits
maîtres » et qui va demander : Est-ce
que vous auriez tel artiste ? Cela dit,
faire un choix n’aurait pas été possible
si nous n’avions pas été d’accord sur
des questions essentielles en matière
de valeur artistique: pour nous, Atget
ou Cartier-Bresson sont des artistes.
Par ailleurs, sur les cent « chefs-
d’œuvre », il y a environ 50 images
connues, dont certaines sont devenues
des icônes, et 50 peu connues, voire
inédites. Cette espèce de mosaïque fait
que l’on s’adresse à la fois à un public
de connaisseurs et au grand public.
Le projet était de raconter une histoire
dans l’articulation des images les unes
avec les autres au fil de correspon-
dances esthétiques, ce qui permet un
cheminement dans l’exposition. Et
puis, avec le catalogue, le visiteur va
découvrir une autre exposition: nous
avons demandé à des auteurs exté-
rieurs au monde de la photographie de
commenter les images.
Comment définit-on
un chef-d’œuvre en matière
de photographie ?
Je pense que la notion de chef-d’œuvre
en photographie est un peu différente
que dans d’autres domaines. Si on
prend la peinture, la hiérarchie entre
les « grands » et les moins grands est
déjà faite. Alors que dans le territoire
de la photographie, art neuf, cette
hiérarchie peut être bouleversée par
la réapparition d’un auteur inconnu
à la production miraculeuse.
Propos recueillis par Sylvie Lisiecki
William Klein
Gun 1, Amsterdam
Avenue, New York,
USA, 1954
,
tirage argentique.
© Rémi Ochlik/IP3.
© William Klein. BnF, Estampes et photographie.