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Chroniques de la BnF – n°61 –
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Bourse du talent :
photos d’identité
Depuis 2007, la BnF accroche à ses cimaises les travaux des photographes émergents distingués
par la Bourse du talent. Avec, cette année, l’identité et l’hybridation des genres en guise de fil conducteur.
La Bourse du Talent cultive un
unique champ photographique,
celui de l’engagement. Organisé
depuis
1998
par le site
photographie.
com
, ce prix récompense des photo-
graphes en prise directe avec les
enjeux brûlants – sociaux, politiques,
esthétiques – du monde contempo-
rain. Si le prix consacre quatre genres
distincts (reportage, mode, portrait,
espace), l’exposition à la BnF s’efforce
de présenter les travaux de façon
décloisonnée. Autour du thème de
l’identité, axe majeur de l’exposition,
les visiteurs sont invités à tisser des
liens par-delà les différents genres.
Ainsi est-il possible demettre en rapport
la série
Attrition
de Thomas Devaux,
lauréat dans la catégorie Mode, et
Sombre mémoire
de Guillaume Cha-
mayan, coup de cœur du jury dans la
catégorie Reportage. Le premier
s’efforce de brouiller les identités en
reconfigurant l’image des top models
dans un travail au croisement de la
photo et de la peinture. Le second, à
mi-chemin entre le documentariste
Rithy Pan et les clairs-obscurs de
Georges de La Tour, débusque les
traces de l’horreur khmère dans des
lieux, des objets et des corps d’au-
jourd’hui, en des « tableaux » qui les
subliment. Deux approches de la
photographie qui décontextualisent
Attrition,
de
Thomas Devaux,
lauréat de la Bourse
du Talent # 46,
série Mode
leurs «modèles » pour mieux sonder
les racines de la beauté ou du mal.
Estelle Fenech, lauréate dans la caté-
gorie Portrait avec
Elle marche vers lui,
et Léa Habourdin, mention spéciale
du jury dans la catégorie Mode pour
Cahier de doléances
, empruntent une
forme similaire : le diptyque. La pre-
mière propose un travail sensible sur
la transformation de Paula en Paul.
À chaque nouvelle prise d’hormones,
une photo de son visage et une autre
du ciel sont mises en regard. Une
façon poétique et distanciée de tra-
quer « la subtilité des différences entre
traits masculins et féminins ».
Léa Habourdin, elle, propose une
vision drolatique et dérangeante de
la mode en mêlant des photos d’ani-
maux dans la splendeur de leur appa-
rat à des photos fragmentaires, en
noir et blanc, de modèles humains
entravés par leurs vêtements ou
dévoilant des chairs marquées. Les
animaux seraient-ils plus sophisti-
qués que nous ?
Autre rapprochement stimulant, celui
de
Beyond the Border
de Mathias
Depardon, lauréat dans la catégorie
Reportage, avec
Étude
d’Élodie
Cheneau, coup de cœur du jury dans
la catégorie Portrait. D’un côté, des
clichés nocturnes de migrants afghans
rendent palpable le danger permanent
d’existences précaires. De l’autre, une
série d’autoportraits où la photo-
graphe pose avec une maladresse
ostensible en fixant avec détermina-
tion l’objectif, comme pour implorer
notre regard. Dans les deux cas, le
même besoin de reconnaissance, la
même foi dans le médium photogra-
phique. Pour exister, enfin.
Bertrand Dommergue
© T
evaux.
Expositions
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