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Edmond Jabès
trouve ancrage à la BnF
Juif italien né en Égypte installé à Paris, Edmond Jabès a fait de la judaïté,
de l’identité et de l’hospitalité les grands thèmes qui jalonnent ses ouvrages.
La BnF célèbre aujourd’hui le centenaire de sa naissance.
Ci-dessus
Edmond Jabès,
Les Mots tracent
,
Paris, librairie
Les Pas perdus, 1951,
couverture de
Max Ernst, collection
L’Âge d’or dirigée
par Henri Parisot
Ci-contre
Edmond Jabès
« J’ai d’abord cru que j’étais écri-
vain, puis je me suis rendu compte
que j’étais juif, puis je n’ai plus distin-
gué en moi l’écrivain du juif, car l’un
et l’autre ne sont que le tourment d’une
antique parole
(Cahier de Yukel)
».
Ainsi Jabès expose-t-il dans
Le Retour
au livre
son questionnement sur l’iden-
tité, mettant en avant écriture et
judaïsme. Le lien est explicité à plu-
sieurs reprises : l’écrivain, tout comme
le juif, est l’étranger par excellence; à
plus forte raison, l’écrivain juif.
Né en Égypte en
1912
, de nationalité
italienne, Edmond Jabès s’enracine
très tôt dans la langue française : en
parallèle de son métier d’agent de
change, il écrit et publie de la poésie,
et dirige une collection dans une mai-
son d’édition du Caire. Parmi les écri-
vains français qu’il rencontre dans ses
années de jeunesse, le plus marquant
est sans nul doute Max Jacob, avec qui
il entretient dès
1933
une correspon-
dance suivie qu’il publie en
1945
,
après la mort du poète. Les conseils
d’écriture de cet aîné le suivent toute
sa vie: «Fais-en moins, et serre davan-
tage. Le nombre de pages ne compte
pas, mais la qualité et la densité. »
Une poésie qui procède
par question­nements successifs
En
1957
, la crise du Canal de Suez et
la montée de l’antisémitisme en
Égypte incitent Edmond Jabès à s’ins-
taller à Paris.
Le Livre des Questions,
commencé en
1959
, paraît chez Galli-
mard en
1963
et marque un tournant
dans la carrière du poète: il lui amène
la reconnaissance et constitue une
étape dans la mise en place de son
style personnel. Les grands thèmes
jabésiens tiennent à la fois à l’histoire
et à la pensée spécifique du poète :
Auschwitz, la judaïté, l’exil, mais aussi
l’identité, l’appartenance, l’hospita-
lité… La poésie de Jabès procède par
question­nements successifs.
Des complicités artistiques
À mesure de l’essor de son œuvre, des
collaborations avec des artistes voient le
jour : Antoni Tàpies, Olivier Debré,
Eduardo Chillida, Robert Groborne
illustrent ses ouvrages, et le composi-
teur Luigi Nono tire en
1987
une parti-
tion du
Petit Livre de la subversion hors de
soupçon
. Des complicités intellectuelles
profondes, avec notamment Emmanuel
Lévinas, Maurice Blanchot, Michel
Leiris ou Jacques Derrida enrichissent
sa réflexion, et les œuvres amies, régu-
lièrement citées, trouvent leur place à
l’intérieur des livres de Jabès, en écho
avec ses propres pensées.
À travers ses manuscrits, livres et aussi
dessins, et œuvres d’artistes proches de
Jabès, l’exposition célèbre le centenaire
de la naissance de cet écrivain français
exigeant et généreux qui, en
1990
, un
an avant sa disparition, a fait don de
ses manuscrits à la BnF. L’entrée à la
Bibliothèque, grâce à un don de ses
filles, du dernier manuscrit auquel il
travaillait avant sa mort,
Le Livre de
l’Hospitalité
, vient compléter cet
ensemble ; il invite à prendre comme
fil directeur de l’expo­sition ces thèmes
de l’exil et de l’hospitalité, si souvent
abordés par le poète.
Anne Mary
©ADAGP, 2012 BnF, Arsenal.
Photo Arturo Patten/IMEC.
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