Mais qui était Jean-Baptiste
d’Anville (
1697
-
1782
) ? En dépit
de sa statue sur la façade de l’hôtel de
ville de Paris, malgré une renommée
qui dépassa en son temps les frontières
de l’Europe et un héritage encore
vivace au
xix
e
siècle, rares sont ceux
qui connaissent aujourd’hui le nom
d’un des géographes majeurs du siècle
des Lumières. Ses travaux, pourtant,
ont complètement renouvelé la carte,
et donc, dans une certaine mesure, la
face du monde… Sous sa plume, le
tracé des côtes et des lieux se remo-
dèle : d’Anville redonne ses justes
dimensions à la péninsule italienne,
plusieurs années avant que ses conclu-
sions ne soient confirmées par des
opérations de mesures sur le terrain.
Les rivières et les villes à la localisation
incertaine disparaissent de ses cartes :
désormais, un grand «blanc» troue le
cœur du continent africain. Les plus
grands explorateurs, dont Louis-
Antoine de Bougainville, comme les
plus grands conquérants, tel Bona-
parte, se fient plus qu’à tout autre à
son autorité. Or le géographe n’étudie
jamais le terrain directement. Il dresse
Jean-Baptiste d’Anville,
un cartographe au siècle des Lumières
À travers le prisme de l’œuvre de ce grand géographe, qui a magistralement redessiné les contours
du monde sans jamais quitter son cabinet de travail, un colloque organisé site Richelieu s’intéressera
aux conditions de la vie savante au XVIII
e
siècle.
toutes ses cartes depuis son cabinet de
travail et, selon sa propre légende,
n’aurait jamais quitté Paris. Il suscite
par ce haut fait une fascination pour
sa «méthode », qui n’est rien d’autre,
cependant, que la compilation et la
cr it ique de sources ant iques et
modernes telle qu’elle fut pratiquée
par ses prédécesseurs, mais ici pous-
sée jusqu’à l’extrême minutie.
De ce travai l colossal demeure
aujourd’hui une collection cartogra-
phique de près de
8700
pièces, restée
presque intacte grâce à sa cession au
Roi à la mort du géographe. Témoins
de son éclat, les centaines de porte-
feuilles grand-aigle où elle fut rangée
et qui ornent aujourd’hui la salle de la
réserve du département des Cartes et
plans. La BnF, qui possède aussi une
grande partie de ses notes et esquisses
géographiques, a mis en ligne sur
Gallica la totalité de sa collection de
cartes. Le département des Cartes et
plans soutient depuis
2010
un pro-
gramme de recherche qui a permis que
les manuscrits cartographiques du
géographe (connus sous le nom de col-
lection Cortambert) soient catalogués
et numérisés. Par ailleurs, un blog
met à
la disposition de tous les ressources
électroniques concernant d’Anville,
ainsi qu’un grand nombre de docu-
ments inédits provenant de différents
fonds d’archives.
Enfin, le colloque organisé en sep-
tembre devrait stimuler l’exploitation
de ces ressources exceptionnelles.
Adossées à l’étude de sa bibliothèque
cartographique et de ses archives, les
communications proposeront de
repenser les conditions de la vie
savante au siècle des Lumières, l’his-
toire des collections, les transferts de
connaissances, les pratiques de savoir,
l’économie du cartographe comme la
réception des œuvres géographiques.
Lucile Haguet et Catherine Hofmann
Ci-dessus
Jean-Baptiste
Bourguignon d’Anville,
Afrique,
publiée
sous les auspices de
Monseigneur Le Duc
D’Orléans, Premier
Prince du Sang,
par le Sieur D’Anville,
1749,
manuscrit
avant gravure
Ci-dessous
Jean-Baptiste
Bourguignon
d’Anville (1697-1782),
anonyme
12
– Chroniques de la BnF – n°63
Auditorium
>
BnF, Cartes & Plans.
© RMN/Château de Versailles/Gérard Blot.