Page 7 - BnF- CHRONIQUES 63_B

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Le spectacle est une musique à ses
yeux. Le parcours artistique
d’Étienne BertrandWeill (
1919
-
2001
)
est exemplaire du croisement fécond
des langages et des formes entre
photo­graphie et spectacle vivant dans
la deuxième moitié du
xx
e
 siècle.
« Au fond, la photographie des
hommes dans la vie de tous les jours,
est-ce si différent de la photographie
de théâtre ? L’événement se passe
seulement à côté de nous. » Diplômé
de l’École nationale de photographie
et de cinéma en
1939
, le regard
qu’Étienne Bertrand Weill porte sur
le théât re du monde s’expr ime
d’abord par des reportages huma-
nistes et des photographies d’archi­
tecture. Photographe attitré de Jean
Arp dès
1945
, il travaille avec de
nombreux artistes et collabore aux
revues
Aujourd’hui
et
Architecture
d’aujourd’hui
ainsi qu’aux
Cahiers
d’Art
de Christian Zervos.
À la recherche de nouvelles formes
d’expression, le photo­graphe se
Vertige du corps :
Étienne Bertrand Weill
À travers une sélection d’œuvres conservées par la Bibliothèque nationale de France,
encore enrichie grâce à la générosité de Madame Weill, une exposition présente la réflexion
artistique singulière d’un photographe nourri par le spectacle vivant.
Ci-dessous
Étienne
Bertrand Weill
Élèves d’Étienne
Decroux dans
Les Arbres,
1952
tourne vers les scènes de l’avant-
garde parisienne. Quand son ami
Marcel ­Marceau le présente à
Étienne Decroux, grand réforma-
teur de l’art du mime, la rencontre
est décisive. Une même recherche
théorique sur le mouvement réunit
les deux hommes. Leur collabora-
tion offre au photographe un terrain
d’étude privilégié pour élaborer une
réflexion esthétique, encore enrichie
par son travai l avec la danseuse
Marguerite Bougai.
Pour Ét ienne Ber t rand Wei l l ,
« la science est venue prendre le relais
de la magie, et c’est avec l’aide de
cette science, qui est à la fois un des
sujets d’inquiétude et d’espérance
des hommes, que les artistes doivent
appréhender le monde de demain. »
Par un savant usage de la compo­
sition, de la superposition, il fait
apparaître le geste suspendu, le désé­
quilibre du corps, la dynamique
du mouvement, l’énergie physique
du spectacle. Photo­graphiant de
­nombreux artistes de théâtre, de
mime, de danse, tels Jean-Louis
Barrault, Marcel ­Marceau, Martha
­Graham, Maurice Béjart, il perfec-
tionne un langage esthétique au plus
près de la performance de l’artiste.
Pour fixer la trajectoire invisible du
mouvement, il s’engage dans une
expérimentation formelle, photogra-
phiant des structures mobiles qu’il
façonne lui-même et met en mouve-
ment devant son objectif. Ces séries
de
métaformes
, qu’il expose dès
1957
avec le groupe Espace, inscrivent
ses créations dans l’âge d’or de l’art
cinétique.
En composant des
métaformes
sur
des musiques contemporaines, il
donne une nouvelle dimension à ces
photographies lors de concerts spec-
tacles et de soirées «Musique pour
les yeux ». Le photographe écrit alors
des partitions visuelles : le dialogue
entre les
métaformes
projetées sur
scène et la dynamique des corps en
jeu propose une synthèse originale
entre l’abstrait et la chair, entre la
photographie, la musique, la danse
et le théâtre.
Joëlle Garcia
Expositions
>
Chroniques de la BnF – n°63 –
7
© Étienne Bertrand Weill. BnF, Arts du spectacle.
© Wolinski. BnF, Estampes et photographie.
Ci-contre
Étienne
Bertrand Weill,
Autoportrait avec
métaforme,
ca 1962,
Archives Étienne
Bertrand Weill.
© Étienne Bertrand Weill.