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De la collection à l’exposition : le décor d’une œuvre
La collection donnée à la BnF par Emmanuel Roman, au printemps 2013, à la mémoire de son père Philippe Roman, peintre et ami de Pierre Jean Jouve, fait l’objet d’une exposition, Galerie des donateurs.
© ADAGP, Paris, 2013, BnF, Manuscrits
C’est un tableau et des dessins de Philippe Roman, des manuscrits autographes ou dactylographiés de Pierre Jean Jouve, des éditions avec envoi ou rehaussées à l’aquarelle, des objets et des œuvres d’art lui ayant appartenu : rarement la forme d’une collection n’aura reflété aussi fidèlement les liens amicaux et artistiques qui unissaient ses auteurs. Pierre Jean Jouve découvre l’Engadine et ses villages, Soglio et SilsMaria, en 1933. Il y séjourne par la suite maints étés, à l’Alpenrose puis au Waldhaus, en compagnie de Blanche Reverchon, tous deux souvent rejoints par leurs amis écrivains, artistes et intellectuels. C’est là que Jouve crée le mythe d’Hélène, fi gure majeure de sa prose et de sa poésie comme née de ces montagnes, de ces lacs et de cette lumière. C’est là aussi, au bord du lac de Sils, qu’un été 1960, Jouve recopie sa traduction d’Othello et en offre quelques pages à Philippe Roman. Ces feuillets disent tout du rapport de Jouve à l’écriture : choix et préparation du papier, graphie parfaite, inlassable travail de composition du texte par sa copie au net puis sa mise en page et son maquettage. La perfection des manuscrits de Jouve, si décevante au premier abord pour les amateurs de brouillons et de ratures, ne se comprend qu’à la lumière de ce souci de la forme impeccable. Le blanc, le tracé minutieux et régulier des lettres,
bâtons espacés jusqu’au risque de l’éclatement du mot, le vide qu’ils organisent à même la page et qui fait vaciller la lecture, arrachent l’écriture aux aléas de sa genèse comme pour la faire apparaître dans un halo de transcendance, reflet peut-être du Nada des mystiques espagnols que Jouve évoque dans Matière céleste : « Rien ne s’accomplira sinon dans une absence / Dans une nuit un congédiement de clarté / Une beauté confuse en laquelle rien n’est ». Vers le figuratif Pour Philippe Roman aussi, Sils est le théâtre d’un moment décisif de sa vie d’artiste. Vers la fi n de l’été 1954, vingt ans après le premier séjour de Jouve dans la région, il arrive à l’hôtel Alpenrose en compagnie de Théo Léger, qui lui a présenté les Jouve à Paris l’année précédente : « Je fus accueilli avec bienveillance. Une étonnante patience et générosité d’intelligence furent accordées au fi ls de famille informe que j’étais. Pour la première fois, j’approchai une atmosphère de sérieux profond organisée autour du travail – celui de l’artiste et de l’analyste. Des conversations avec Blanche provoquèrent les décisions indispensables : quitter la banque, entrer en analyse, devenir un peintre […] À la Maloja, ce même automne où nous étions un jour de pluie, Pierre, Théo et moi, à prendre le thé, là et nulle part ailleurs je
Ci-dessus
Pierre Jean Jouve, photo Annette Léna
En haut à droite
André Masson, lithographie pour Langue de Pierre Jean Jouve, L’Arche, 1952