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La comédie du malheur
Frédéric Pommier 1 est l’auteur d’une première pièce, Le Prix des boîtes, créée à l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet et mise en scène par Jorge Lavelli. Ou quand l’humour noir et l’ironie réussissent à exorciser la mort, la souffrance, l’émotion. Ils interviennent en avril site Richelieu, pour parler de leur travail.
Chroniques : Dans Le Prix des boîtes, vous avez choisi de parler de la fin de vie, de la maladie, de la mort, en faisant rire… Frédéric Pommier : Il se trouve que j’ai assisté aux dernières années de deux sœurs, qui étaient des amies de ma grand-mère et que j’aimais beaucoup. Ces dernières années tenaient vraiment du chemin de croix ; l’aînée avait la maladie d’Alzheimer et sa petite sœur avait souffert de nombreux cancers tout au long de sa vie et encore plus à la fin… Elles n’ont eu ni mari, ni enfants, juste des chats. Elles étaient assez drôles, se taquinaient beaucoup, se disputaient tout le temps. Elles ne faisaient rien l’une sans l’autre et pourtant ne se supportaient plus, chacune renvoyant à l’autre le miroir de sa vie ratée. J’ai habité chez l’une d’elles, un amour de femme, pendant un an et puis je me suis éloigné pour les études et le travail. Lorsque je suis revenu m’installer près de chez elles, l’aînée était tombée malade. Et comme elles avaient peu de famille, je me suis retrouvé à les enterrer toutes les deux à dix-huit jours d’intervalle. Beaucoup de gens sont amenés à accompagner des personnes en fi n de vie… chez moi ça a donné une pièce de théâtre, peut-être parce qu’au départ ce sont leurs dialogues qui me sont revenus. Le spectateur rencontre aussi dans la pièce un médecin mercantile et avide, une tutrice qui dilapide l’argent, une auxiliaire de vie qui vole des bibelots : ces personnages secondaires cyniques, intéressés, interrogent sur la façon dont sont traités les êtres les plus vulnérables dans nos sociétés occidentales. Jorge Lavelli, qu’est-ce qui vous a intéressé dans cette pièce ? Jorge Lavelli : Je m’intéresse surtout à un théâtre non-naturaliste, un théâtre poétique et de sensations, où existe une recherche sur le langage. Cela n’empêche pas d’être dans la réalité. Et le théâtre de Frédéric Pommier entre dans cette catégorie. Au départ, l’écriture, la manière de raconter une histoire, la construction de l’ouvrage m’ont plu. Frédéric a la liberté d’oser : il choisit des thèmes à risques et il joue avec. C’est un théâtre qui crée une mobilité intellectuelle, qui ouvre l’imagination du lecteur et donc du metteur en scène. Le rôle de l’humour me semble fonda mental ; il permet de parler de choses terribles, comme la fi n de la vie, la déchéance physique, la solitude, comme si on jetait un regard oblique – sinon la pièce serait un mélodrame. Dans ce théâtre de sensations et d’émotions, l’humour crée la distance nécessaire pour que l’on puisse continuer à avancer.
Propos recueillis par Sylvie Lisiecki
1. Frédéric Pommier est journaliste et chroniqueur sur France Inter et pour M, le magazine du Monde.
Ci-dessous, de gauche à droite
Jorge Lavelli et Frédéric Pommier
L’Athénée et la BnF
Le partenariat entre la BnF et l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet trouve son origine dans le dépôt qu’a fait le théâtre de ses archives en 2008 au département des Arts du spectacle. Il en résulte une étroite complicité qui prend depuis la forme de conférences inspirées par sa programmation. Aujourd’hui théâtre public, l’Athénée a été marqué par la figure de Louis Jouvet qui l’a dirigé de 1934 à 1951, et dont les archives sont aussi au département des Arts du spectacle.
Rencontre avec l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet
© E. Marchadour. © David Ruano.
En présence de Frédéric Pommier et Jorge Lavelli Mercredi 3 avril 2013 – 12 h 30-14 h 00
Site Richelieu, auditorium Colbert
14 – Chroniques de la BnF – no 66