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Les héritiers de Guy Debord
Les idées comme les méthodes d’action de Guy Debord et des situationnistes restent vivantes, tant du côté des intellectuels que des mouvements politiques. Elles ont aussi influencé les artistes contemporains, même si les théories debordiennes ont surtout cherché à dépasser l’art. Explications avec Patrick Marcolini, philosophe 1.
Ci-dessus
Debord avec les lettristes à la sortie de la projection du Traité de bave et d’éternité d’Isidore Isou, Cannes, 20 avril 1951
Ci-dessous
Photographie anonyme. BNF, Manuscrits, fonds Guy Debord. D.R.
Photomontage à partir d’un portrait de Michèle Bernstein, 1960 ; la bulle est un détournement d’un slogan de la campagne présidentielle d’Eisenhower en 1951 : « I like Ike »
En bas
tentatives de Deleuze et Guattari de bâtir une « géophilosophie », font écho aux recherches situationnistes sur la dérive et la psychogéographie. Sans parler d’auteurs plus anciens qu’on est en train de redécouvrir et qui furent en rapport étroit avec Debord : Jacques Ellul, qui a multiplié les références à La Société du spectacle dans ses travaux sur la société technicienne, ou le sociologue marxiste Henri Lefebvre, qui a repris et prolongé la critique situationniste de l’urbanisme. Qu’en est-il de l’héritage de la pensée situationniste dans l’art contemporain ? P. M. : C’est un héritage ambigu parce que Debord et les situationnistes ont surtout cherché à dépasser
Guy Debord, Directive n° 1, « Dépassement de l’art », juin 1963
6 – Chroniques de la BnF – no 66
Manuscr tion BnF, roduction Reproduc
Chroniques : Quelle a été la postérité de la pensée de Guy Debord ? Patrick Marcolini : Elle a été multiple. D’une part, sa pensée s’est propagée de façon souterraine dans la contre-culture et les milieux politiques révolutionnaires, à gauche de l’extrême gauche. Mais elle s’est diffusée aussi dans une sphère plus institutionnelle, chez les intellectuels et dans les médias, voire dans des cercles proches du pouvoir. Après 1968, anarchistes et marxistes d’ultragauche sont en quête d’une prise directe sur la vie quotidienne de la population, et trouvent une source d’inspiration chez les situationnistes qui proposent une critique de la façon dont le capitalisme façonne les subjectivités, les désirs, les rapports entre les gens. On voit aussi certains groupes rejouer de manière mimétique l’histoire de l’Inter nationale situationniste, adoptant son langage et ses méthodes d’action. Enfin, dans les années 1970 et 1980 émergent de nouvelles mouvances politiques largement influencées par les idées de Guy Debord : les
Vous écrivez que de nombreux philosophes et sociologues contemporains ont été influencés par l’auteur de La Société du spectacle. P. M. : Oui, car ils ont fait leur formation intellectuelle autour de 1968, à un moment où les idées des situationnistes exerçaient une certaine fascination. Les textes de Jean Baudrillard sur le simulacre ou ceux de Philippe Lacoue-Labarthe sur la question de la mimésis et de la représentation sont en dialogue critique avec la théorie debordienne du spectacle. Les réflexions de Paul Virilio sur l’espace et le territoire, de même que les
Gu its, fonds
y Debord.
, BnF, Manuscrits
fonds Guy Deb
autonomes, puis les anti-industriels. À chaque fois, il y a un style situationniste nettement identifiable : humour et subversion, pratique du détournement et apologie du sabotage. Ces mouvements font parfois l’actualité – par exemple les fauchages de plantes transgéniques dans les luttes antiOGM à la fi n des années 1990, ou le succès récent de L’Insurrection qui vient suite à l’affaire de Tarnac.
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