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Expositions > JEAN DE GONET
Jean de Gonet, relieur
Une exposition, site François Mitterrand, retrace l’œuvre de ce relieur, qui a introduit dans son art des innovations techniques et artistiques sans précédent.
Jean de Gonet est depuis trente ans la figure majeure de la reliure en France et bien au-delà. Les changements techniques qu’il a introduits dans la manière de relier et l’originalité de son apport artistique ont révolutionné un art dont les modes opératoires étaient depuis longtemps fi xés et dont les décors ne se concevaient qu’en relation avec le contenu du livre. La Bibliothèque nationale de France, qui expose son œuvre ce printemps 2013, l’avait fait découvrir dès 1978 en compagnie de deux relieurs confirmés, Monique Mathieu et Georges Leroux. Il entreprenait alors la révolution, empruntée à des techniques oubliées ou fort lointaines, consistant à traiter séparément les plats et le dos, sans couvrure qui cache les coutures rendues visibles. Ainsi les plats peuvent-ils être réalisés en toutes sortes de matériaux et s’ouvrent plus aisément. Ces reliures faites pour des livres à lire ont incité le musée national d’Art moderne à lui commander la conception d’une reliure nouvelle pour le fonds de la Documentation générale. Jean de Gonet mit au point, en 1985, une reliure à plats moulés, qu’il breveta et dont il lança en 1987 la production dans le nouvel atelier où il
8 – Chroniques de la BnF – no 66
© David Paul Carr/BnF.
venait de s’installer (en 1986, il créa la société Jean de Gonet Artefacts). Ces reliures en RIM, un polyuréthane basse pression, séduisirent surtout des amateurs, des bibliothèques et des archives privées, pour qui il conçut des plaques moulées personnalisées. La Bibliothèque nationale, par l’inter médiaire de sa Société d’amis, lui en commanda deux formats, utilisés en 1989 et 1991. Plusieurs milliers de ces reliures moulées ont été réalisées par Jean de Gonet Artefacts, jusqu’à ce que la difficulté d’approvision nement en RIM compromette la production. Depuis, tout en poursuivant son œuvre, le relieur n’a cessé de chercher à répondre aux deux questions qu’on lui pose souvent : comment relier les livres de moindre valeur ? Comment faire bien sans faire cher ? Teindre, froisser, mosaïquer Sur les livres rares et les manuscrits autographes qui lui sont confiés, ces questions ne se posent guère. La créativité du relieur s’y exprime à plein. À ses débuts, alors qu’il travaille encore de manière traditionnelle, il se singularise déjà par le refus des couleurs vives et de la dorure, préférant teindre et colorer
lui-même ses peaux, les froisser, sertir ses mosaïques au petit clou, en localisant ses interventions sur les éléments structurants de la reliure, les lisières des plats et leurs points faibles, coins et mors. Dès cette époque – est-ce l’influence de Supports/Surfaces ? – l’idée d’un « décor » lui semble inappropriée. Des reliures pour lire Ni décoratives, ni illustratives, ses reliures n’ont d’autre fonction que de protéger, sans le trahir, le volume qu’elles recouvrent, et qui doit demeurer, une fois relié, un livre toujours maniable, donc souple de préférence, l’idéal étant de produire un objet aussi beau que possible dans l’expression de sa matière travaillée. Le veau, qui est la peau la plus souvent employée, est teint, peint, mosaïqué, incrusté et surtout gaufré, tous ces procédés pouvant être employés ensemble, comme c’est le cas pour Les Fleurs du mal et Pompes funèbres. Les autres matériaux sont utilisés en fonction de leur effet, en dépit de leur dureté ou de leur fragilité. Seul le carbone a pu limiter la créativité du relieur. Les bois exotiques les plus divers, la peau dure du galuchat l’ont conduit à des exercices de haute voltige, dont le
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Jean de Gonet dans son atelier parisien, février 2013
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