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Guy Debord. Un art de la guerre
L’exposition que la BnF consacre à Guy Debord, site François Mitterrand, fait suite au traitement de ses archives, classées Trésor national et acquises par la BnF en 2011. Un éclairage indispensable du travail de ce penseur révolutionnaire, entre contestation et détournement, entre écriture et cinéma, dont l’œuvre continue de faire mouche.
À la fois poète, artiste, penseur révolutionnaire, directeur de revue et cinéaste, Guy Debord (19311994) a livré avec ses archives, non seulement l’histoire d’une œuvre, mais aussi celle d’aventures collectives. Outre ses manuscrits et documents de travail, son fonds donne accès à une vaste documentation sur les deux mouvements d’avant-garde dont il fut l’initiateur, l’Internationale lettriste (1952-1957) puis l’Internationale situationniste (1957-1972). Héritiers du dadaïsme, du surréalisme puis du lettrisme, Guy Debord et ses compagnons de route ont cherché un nouveau passage vers une contestation aussi large que possible des conditions de vie dans nos sociétés modernes. Ils n’ont ainsi eu de cesse d’aller au-delà du cadre artistique auquel leurs prédécesseurs étaient restés attachés, en portant concrètement la lutte hors du champ de l’art, dans le domaine de la vie quotidienne : la révolution doit être d’abord la modification des perspectives au sein de cette vie. Cela suppose aussi de remettre en cause la pratique traditionnelle du politique : la critique des bureaucraties soviétique et chinoise, des syndicats et, plus tard, des gauchismes, incarne ce même désir de dépassement. Le détournement comme arme critique Les propositions théoriques de Guy Debord s’accompagnent tout au long de l’aventure d’un violent désir d’action pour faire changer un monde dont il rejette les faux-semblants. Ainsi La Société du spectacle, œuvre phare publiée en 1967, continue-t-elle de fournir aux analystes du monde moderne un modèle critique et interprétatif que les mutations récentes ne démentent guère. La force de ce texte, malgré son caractère ardu, repose aussi sur les modalités de son élaboration. Lecteur insatiable, Guy Debord affûte en effet constamment le langage de sa critique comme son
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Ci-contre
Photographie de Ralph Rumney, Guy Debord à la conférence de Cosio d’Arroscia, 27 & 28 juillet 1957
BnF, Manuscrits, fonds. Guy Debord.
Guy Debord Géographie littéraire Feuillet d’atlas annoté : classés par pays, les noms de ceux qui ont le plus compté pour l’auteur, 1974
esprit stratégique, au contact d’autres auteurs auxquels il confronte sa propre pensée. Ses fiches de lecture, conservées dans ses archives, dessinent le rhizome dont son œuvre est le prolongement. De même que son cinéma ou les collages de l’époque lettriste, elles témoignent d’un rapport à la culture passée et présente qui entre en résonance avec de nombreuses pratiques contemporaines. Le détournement, qui fut aussi une critique de l’idéologie de la créativité et une manière d’entériner la mort de l’auteur et de son autorité, n’a cessé de faire des émules, par exemple en art plastique et vidéo ou en musique. L’utilisation récurrente de phrases détournées, pratique permanente chez les situationnistes, inscrit par ailleurs l’œuvre de Guy Debord dans une histoire de la pensée. Quoique toujours liée à une époque, à ses contradictions et ses conflits, son œuvre devient ellemême ce « bien commun », susceptible de fournir au lecteur une « signification instantanément communicable, à propos de conduites ou penchants humains » (Panégyrique, tome premier). L’exposition Guy Debord, un art de la