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Mohammed Dib, le testament littéraire d’un exilé
Commencée à la fin des années 1940, l’œuvre littéraire du grand écrivain algérien disparu en 2003 prend sa source dans un amour immodéré pour la langue française. Ses archives sont entrées au département des Manuscrits en juillet 2012. Retour sur le parcours d’un exilé qui avait choisi les mots pour patrie.
Figure majeure de la littérature maghrébine de langue française, Mohammed Dib est l’auteur fécond de plus d’une trentaine d’ouvrages traversant tous les genres littéraires – romans, nouvelles, théâtre, poésie, essais, contes pour enfants. Né en 1920 à Tlemcen, en Algérie, dans une famille cultivée d’artisans, il fait des études primaires et secondaires en français et commence sa vie professionnelle comme instituteur avant d’exercer divers métiers. C’est aux rencontres de Sidi Madani, en 1948, organisées par les mouvements de Jeunesse et d’Éducation populaire, qu’il fait la connaissance d’Albert Camus et de Jean Cayrol, à qui il envoie un premier manuscrit. Celui-ci sera publié par les éditions du Seuil, comme par la suite beaucoup d’autres. À l’instar de Camus une dizaine d’années plus tôt, il devient en 1950 journaliste à Alger-Républicain, mais le quitte deux ans plus tard, au moment où sort en France son roman La Grande Maison, témoignage poignant de la misère de l’Algérie coloniale. Les deux autres volets de sa trilogie Algérie, L’Incendie et Le Métier à tisser, paraissent en 1954 et 1957. La guerre de libération s’est déclenchée ; il doit quitter l’Algérie en 1959, expulsé pour son engagement anticolonialiste – il milite alors au parti communiste. Il s’installe à Mougins, dans le sud de la France, avec son épouse Colette et leurs enfants, puis à partir de 1964 à La Celle-Saint-Cloud, près de Paris. Le refuge de la langue Il y poursuit une œuvre qui ne cessera de se renouveler dans ses thèmes comme dans ses formes, de Qui se souvient de la mer (1962) à L.A. Trip (2003), roman en vers inspiré par un séjour à Los Angeles. L’exil, l’angoisse de la modernité, l’amour, les pouvoirs de la parole et de l’écriture sont parmi les thèmes clefs de l’écrivain, qui assume sa double culture : « Je cherche toujours une terre où placer ensemble mes deux pieds, ne pas en avoir un ici et l’autre là […]. Sois en ce bas monde un étranger, cela s’est dit. Moi, je cherche une terre qui veuille de moi 1. » Cette terre hospitalière, il la trouve, lui, l’exilé, dans les mots de la langue française. Son épouse en parle en ces termes : « Il aimait beaucoup la langue française. Il appréciait sa sobriété, mais aussi la grande richesse de ses possibilités d’expression. Le français est d’ailleurs la langue de la grande majorité des écrivains algériens, qu’ils vivent en Algérie ou en France, comme Mouloud Mammeri, Assia Djebar, Habib Tengour, Yasmina Khadra… » Petite histoire d’un don En 2002, M au r icet te Ber ne, conservatrice au département des Manuscrits, souhaitait vivement voir entrer les archives de Mohammed
© Horst Tappe/Fondation Horst Tappe/Roger-Viollet.
Ci-contre
Mohammed Dib en 1992
18 Chroni ue de la BnF 18 – Chroniques de la BnF – no 66 Ch oni ue Chroniques hr n nF 66
BnF, Manuscrits.