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Expositions > JEAN DE GONET
Trois questions à Jean de Gonet
Comment êtes-vous devenu relieur ? En pension, en empruntant le matériel des pères oratoriens ! Par la suite, il s’agissait de gagner sa vie. Au début des années 1970, une visite au syndicat de la Reliure Brochure Dorure m’apprit qu’il y avait un poste à pourvoir au Service historique de la Marine. J’ai obtenu ce poste, qui m’a permis de perfectionner ma technique. Une tolérance permettait de pratiquer « la perruque », qui consistait à travailler à son compte, au-delà des horaires légaux. J’ai pratiqué la perruque à haute dose. Qui sont les bibliophiles qui font relier leurs livres ? La bibliophilie a une dimension sociale : avoir des livres précieux, c’est chic, les faire relier, c’est encore plus chic. De cette façade naît une autre dimension, celle de la passion, voire de la compétition entre collectionneurs. Ce club très actif à mes débuts a eu tendance à s’amenuiser et son renouvellement n’est, de l’avis du marché, pas vraiment en vue. Vous considérez-vous comme un artiste ou un artisan ? C’est un vieux débat. Pour moi, un artiste se reconnaît à sa capacité à se trouver dans son travail et à le réinventer. Il montre alors des choses jusque-là inconnues de nous. Il ne s’agit pas de nous faire prendre des vessies pour des lanternes mais de nous donner à voir des vessies, et même des lanternes, dans des lieux et des conditions que nous n’aurions, sans eux, jamais imaginés.
Propos recueillis par Sylvie Lisiecki
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Reliure en écailles de palmier sur Julien Gracq, Le Rivage des Syrtes, 2004 coll. Jean de Gonet.
Site François Mitterrand, galerie François Ier Commissariat : Antoine Coron
Chroniques de la BnF – no 66 – 9
© Adagp, Paris, 2013.
résultat ne laisse rien deviner des heures passées à les mettre au point : reliures d’assem blage ou souples en lames articulées, en pavage, en joncs, disposées en écailles… Jean de Gonet, ces dernières années, a même trouvé le moyen de donner aux panneaux de médium l’aspect d’un laque de Chine pour y faire apparaître des images numériques de matières, de papiers marbrés ou de fi gures mises en scène. En quarante ans, cet artiste n’a jamais déçu. C’est exceptionnel, s’agissant d’un art qui sollicite une invention renouvelée sur un support aussi chargé de significations que le livre. L’élégance et la rigueur de son travail y sont pour beaucoup, mais aussi sans doute le contrôle qu’il s’est efforcé d’avoir sur les textes qui lui
étaient confi és. Jean de Gonet n’a jamais mieux créé que sur les livres qu’il aime. Il a toujours orienté vers ceux-ci ses commanditaires. C’est pourquoi l’exposition, qui présente l’anthologie de ses reliures les plus marquantes, donne aussi à voir le choix d’un amateur… et d’un lecteur.
Antoine Coron
Publication
Jean de Gonet relieur, catalogue d’exposition sous la direction d’Antoine Coron, 360 p., 1 450 ill., 39 euros.
©ADAGP, 2013
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Jean de Gonet relieur
16 avril – 21 juillet 2013
Reliure photographique sur médium, sur Marcel Proust, À la recherche du temps perdu, Sodome et Gomorrhe II***, 2010, coll. Jean de Gonet