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Trois questions à Bruno Racine
Chroniques : Vous avez beaucoup œuvré pour les acquisitions patrimoniales de la BnF, notamment pour l’entrée des archives de Guy Debord. Quels ont été les moments clefs de cette acquisition ? Bruno Racine : Il a d’abord fallu décider s’il convenait de retenir cet ensemble sur le territoire alors qu’il avait trouvé un acquéreur à l’étranger, en l’espèce l’université de Yale. Les avis étaient partagés à la BnF, mais il m’a paru évident que nous devions considérer que ces archives étaient d’un intérêt patrimonial majeur, et j’en ai convaincu la ministre de la Culture de l’époque, Christine Albanel. Il a fallu ensuite que la commission consultative des trésors nationaux approuve cette position – qui constituait une première dans notre pays pour un fonds quasiment contemporain. Il a fallu enfi n, et j’en faisais un point d’honneur, tenir à la lettre les engagements moraux que j’avais pris auprès d’Alice Debord : nous devions trouver les fonds nécessaires pour nous acquitter du paiement le plus rapidement possible en mobilisant nos mécènes, et nous avions ensuite le devoir de mettre en valeur cet ensemble et la personnalité de Guy Debord à travers, bien sûr, la grande exposition du printemps 2013, mais aussi un travail scientifique en profondeur sur les archives. Que répondez-vous à ceux qui critiquent la « récupération » par la BnF de l’auteur de La société du spectacle à l’occasion de l’exposition ? B. R. : Si une institution patrimoniale telle que la BnF ne devait accueillir que les écrivains
BnF, Manuscrits, fonds Guy Debord.
l’art. Néanmoins, il est visible chez les artistes dont les recherches portent sur le matériau urbain, la dérive, la cartographie – depuis les Street Works réalisés à New York en 1969 jusqu’au collectif Stalker dans les années 1990. On peut aussi mentionner ceux qui cherchent à modifier les rapports sociaux et la vie des gens « ordinaires » : Fred Forest et l’art sociologique ou, plus récemment, l’« esthétique relationnelle ». Enfin, les artistes qu’on a rassemblés sous l’étiquette de l’« artivisme », au croisement de l’inter vention culturelle et de la contestation sociale, sont aussi tributaires de la démarche des situationnistes en leur temps.
Propos recueillis par Sylvie Lisiecki
1. Patrick Marcolini, Le Mouvement situationniste : une histoire intellectuelle, éd. L’Échappée, 2012.
Ci-dessus
Guy Debord Collage en l’honneur d’Asger Jorn, 1962
Ci-dessous, à gauche
Conseil pour le maintien des occupations, mai 1968, affiche
Ci-dessous, à droite
Michèle Bernstein et Guy Debord Annonce pour l’ouverture du bar La Méthode, 1958