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Trente ans de Cités obscures
La saga culte créée par François Schuiten et Benoît Peeters fête ses trente ans, alors même que ses auteurs ont décidé de faire don à la BnF d’un important fonds d’archives. Une rencontre s’imposait !
ville, Bruxelles, accumulant les chefs-d’œuvre – notamment ceux de l’art nouveau – et les catastrophes – celles des plans d’urbanisme depuis les années 1960 : la série fait ainsi une place considérable à l’architecte – double du dessinateur. Toujours en proie à une fièvre de construction où le gigantisme le dispute au systématisme – comme celui qui préside, dans l’un des albums, à l’élaboration d’une structure de tuyaux géométriques appelée à couvrir la Terre ! Mais puiser dans une des structures fondamentales de l’imaginaire anthropologique ne suffit pas à faire tenir une série dans le temps. Il faut compter avec l’extraordinaire capacité de ses auteurs à faire migrer la fiction dessinée de support en support. De la planche à la pellicule, puis des cimaises aux planches des théâtres, et enfi n de la scénographie de fragments de ville – comme une station de métro à Bruxelles – jusqu’à la réalité augmentée… La persistance d’un surréalisme belge ? Tout de suite, et avant que le mot ne soit à la mode, la série est multimédia… Peut-être faut-il préciser que la particularité de ce monde « obscur » n’est pas tant de se dupliquer que d’aspirer à pénétrer et à exister dans le monde réel. Il y a Bruxelles. Et puis il y a Brüsel – titre d’un des albums. Un double bizarre de la capitale belge et qui paraît parfois percuter et fracturer l’ordre ordinaire des choses. Est-ce le signe d’une impossible superposition de ces deux mondes, décidément décalés ? Certains ont voulu y lire l’illustration du destin schizophrénique de la Belgique, avec sa double communauté linguistique… d’autres la persistance, sur cette terre du surréalisme – Delvaux ou Magritte –, d’un esprit qui emprunte aux racines les plus profondes de la fantaisie…
Thierry Grillet
Au fil du temps, cette œuvre inclassable et splendide, mettant en scène un xixe siècle qui ne passe pas et s’attarde dans notre siècle, s’est perpétuée de façon discontinue, et a conquis des milliers de lecteurs en Europe. Tout récemment, elle s’est exportée au Japon – pays du manga – en obtenant le Grand Prix manga 2012, une des distinctions les plus prestigieuses, jamais encore attribuée à des artistes non japonais. Avec, par ailleurs, la publication prévue cette année de l’intégrale des Cités obscures aux États Unis – pays des comics -, la série aura ainsi couvert les trois grandes aires, aux traditions spécifiques, de la bande dessinée mondiale. Les utopies de la modernité Comment expliquer cette extraor dinaire longévité ? Sans doute d’abord par l’histoire d’amitié qui lie deux lycéens bruxellois dans les années 1970. Ils se retrouvent sur un projet de fi ction mêlant la fascination/répulsion pour les utopies modernistes qui ont, en partie, éventré Bruxelles, et la rêverie sur une quatrième dimension cachée de la réalité. Il y a du Lewis Carroll et de l’Alfred Kubin, auteur de L’Autre côté, dans ces fictions qui conjuguent l’étrange selon une logique implacable, explorant les utopies de la modernité. Cette « fantaisie » graphique se nourrit d’une culture visuelle qui puise aux sources du modernisme rêvé par Jules Verne ou Robida. Ou par des architectes qui ont façonné la physionomie d’une
© Isabelle Franciosa/Casterman.
© Schuiten-Peeters.
En haut à gauche
François Schuiten et Benoît Peeters
Ci-dessus
Rencontre avec François Schuiten et Benoît Peeters : Du numérique au papier, aller-retour
Jeudi 11 avril 2013 – 14 h 30-18 h
François-Mitterrand, petit auditorium
François Schuiten et Benoît Peeters Affiche réalisée pour le Festival du Polar à Grenoble, 1989
Rêves d’archives