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EXPOSITIONS TOPOR
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ENTRETIEN AVEC
Nicolas Topor
À l’occasion de l’exposition, Céline Chicha-Castex, co-commissaire, a rencontré Nicolas Topor, fils du dessinateur à l’imaginaire débridé, lui-même artiste.
Céline Chicha-Castex : Pourquoi avoir proposé cette exposition à la BnF ? Nicolas Topor : En 2017, nous allons célébrer les vingt ans de la mort de Roland Topor et il me semblait important de montrer à quel point mon père, à travers son œuvre et l’esprit qui s’en dégage, était toujours vivant et plus actuel que jamais. Avec Alexandre Devaux, nous avons fait cette proposition à la BnF, car mon père était avant tout un artiste de l’image imprimée, plus qu’un peintre ou un plasticien. Il a commencé sa carrière en intervenant dans des publications, des revues. C’était un amoureux de l’illustration, héritier, entre autres influences, des grands illustrateurs du XIXe siècle. C’était également un bibliophile qui aimait les beaux livres, les belles reproductions. La BnF me paraissait le lieu idéal pour le célébrer ; il y a ici une connexion intime avec le goût de mon père pour l’impression, l’édition. C. C.-C. : Quelle est la part des éditions dans l’œuvre de votre père ? N. T. : Ses dessins pour la presse et ses illustrations ont récemment été rassemblés en volumes et publiés aux éditions Les Cahiers dessinés¹. On peut juger là de la grande quantité de travail fourni au fil des années. À travers ses dessins d’illustrations, il célébrait les auteurs qu’il aimait, Marcel Aymé, Rabelais, Boris Vian, Perrault, Emmanuel Bove, Gogol… On peut lui reconnaître qu’il n’a jamais illustré d’auteurs qu’il n’aimait pas. Il y a une cohérence dans le choix des écrivains dont il a illustré les textes. Ces œuvres sont aussi le fruit de rencontres avec des auteurs qui le sollicitaient pour des illustrations ou des couvertures, et également de sympathies qu’il a pu nouer avec des éditeurs : l’amitié qui l’a lié à André Balland était ainsi très forte et il a pris plaisir à travailler avec lui pendant de nombreuses années ; de même avec Christian Bourgois.
1. Topor, dessinateur de presse, Les Cahiers dessinés, 2014 Topor, voyageur du livre, Les Cahiers dessinés, 2015 et 2016
Ci-dessus Roland Topor, photomaton, 1969 Collection particulière
C. C.-C. : Vous êtes vous-même artiste. Votre père a-t-il encouragé votre vocation ? N. T. : Oui, largement. J’ai commencé tôt, lorsque j’étais enfant, à un âge où dessiner est naturel. Dessiner était une vocation qu’il se plaisait à encourager en moi. De plus, à cette époque, on commençait à appréhender le dessin d’enfant de façon différente, en prenant conscience de sa possible valeur artistique, dans la continuité de l’art brut. Je baignais également là-dedans avec mon grand-père Abram, qui peignait. Mon père m’a donné l’envie, il a été déterminant dans mon choix d’entrer aux Beaux-Arts et de choisir la carrière de peintre. On allait beaucoup au
musée, sans y rester longtemps. Il ne voulait pas que je m’en lasse, mais je n’ai absolument pas le souvenir de m’être ennuyé en visitant les musées avec lui. J’y ai découvert Calder, mais aussi des artistes anciens, la peinture flamande, des graveurs comme Gustave Doré, Grandville… Nous visitions des musées lors de voyages : à Londres, je me souviens, il y avait eu une exposition sur le dessin d’enfants à la Tate Gallery. Il m’a dit que mes dessins pouvaient ainsi arriver au musée ! Après, cela ne m’a pas quitté. Il m’a transmis un état d’esprit de curiosité, la liberté de pouvoir créer sans se mettre de barrières, sans autocensure.