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LES DESSOUS DE L’APPARENCE
Cycle de conférences « Le corps et les enjeux de l’apparence » Conférence inaugurale par Georges Vigarello Mercredi 1er février 2017 De 18 h 30 à 20 h BnF I François-Mitterrand Petit auditorium Suite du cycle en février-mars : voir agenda
1. Le Sentiment de soi : histoire de la perception du corps, Éditions du Seuil, 2014
À l’occasion de ce nouveau cycle de conférences, nous avons rencontré Georges Vigarello, historien spécialiste de l’hygiène, de la santé, des pratiques corporelles et des représentations du corps. cycle s’organise-t-il ? Georges Vigarello : Le corps représente un sujet très vaste qui mêle l’esthétisation, l’art, l’histoire… Il implique aujourd’hui des enjeux de plus en plus centraux dans nos sociétés ; il devient même l’objet d’un conflit qui oppose la montée de l’affirmation individuelle dans la société occidentale à la montée de certains intégrismes, exigeant des tenues qui effacent la singularité. Préciser de quelle façon les conflits se sont orchestrés sera l’objet de l’intervention de Nilüfer Göle (CESPRA-EHESS) autour du voilement et du dévoilement. D’autres questions, comme l’individualisation et la volonté de pousser à l’extrême la singularité, à travers le percing ou le tatouage par exemple, seront également abordées.
Chroniques : Autour de quels thèmes ce
Aujourd’hui, les individus s’affirment aussi davantage comme étant décideurs d’eux-mêmes. Ils sont moins dépendants de leur classe sociale, de leur quartier, de leur métier. La façon dont on se montre est donc susceptible d’enjeux plus variés et plus profonds. Et cet enjeu de l’apparence est accentué par les images, les photos, tout le système de l’écran, jusqu’au selfie.
C : Dans votre dernier ouvrage¹, vous
Ci-dessus Georges Vigarello, novembre 2013 Ci-dessous Affiche de Leonetto Cappiello, 1902 BnF, Estampes et photographie
évoquez les Lumières comme un moment décisif, où la perception de soi se trouve associée à l’identité. Comment s’opère cette évolution ? G. V. : Même si les preuves sont difficiles à apporter, jusqu’au XvIIIe, le moi est circonscrit à la pensée et associé à la prise de conscience de Dieu. Le « Je pense donc je suis » de Descartes, au milieu du XvIIe, s’inscrit dans ce contexte. Avec Diderot et les penseurs de l’Encyclopédie émerge une expression nouvelle qui serait plus proche de « Je sens donc je suis ». Dans Le Rêve de d’Alembert, l’homme expérimente son corps et ses sensations de façon nouvelle, le « je », c’est aussi le corps. Ce qui change, c’est la conquête de l’espace psychologique, de ce qui conduit notre C : Le fil conducteur étant la question de comportement. L’espace individuel se l’apparence ? G. V. : En effet, à toutes les époques, complique de façon extraordinaire. l’apparence, la façon dont on existe socialement à partir de son propre habi- C : Comment peut-on lier la question de tus, ont représenté des enjeux impor- l’apparence à l’histoire plus récente ? tants. Mais jamais comme aujourd’hui G. V. : Prenons l’exemple de la minceur cet investissement ne m’est apparu aussi qui relève, apparemment, d’une volonfort. Je pense que cela est lié au phéno- té esthétique. On critique souvent ce mène de la consommation qui prône goût en disant qu’il est trop exigeant. l’individualisation pour être encore plus Mais au fond, la minceur obéit à des efficace dans le principe de vente. On données socio-économiques. Nous consomme des objets qui transforment sommes dans des sociétés de la vitesse, le paraître ; on a recours à la technique, du changement, de la mobilité, dans à la chirurgie esthétique, entre autres. des sociétés où la silhouette féminine