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VIE DE LA BNF LES PRATIQUES D’ÉTUDE DU HAUT-DE-JARDIN
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HABITER LE HAUT-DE-JARDIN
ou l’apologie du sérieux en bibliothèque
Durant six mois, une enquête ethnographique a été conduite par trois chercheurs en sciences sociales sur les publics du Haut-de-jardin du site FrançoisMitterrand. Retour sur les principales conclusions de ce travail mené par Joëlle Le Marec, professeure au CELSA (université Paris-Sorbonne), Judith Dehail, doctorante, et Igor Babou, professeur à l’université de La Réunion. Le Haut-de-jardin, ouvert à tous les publics, accueille chaque année près de 500 000 visiteurs, auxquels il offre des collections de référence en accès libre. Ce lieu emblématique, par son architecture et son histoire, est toutefois traversé par les mêmes questionnements que les bibliothèques publiques, d’abord soucieuses de démocratiser l’accès à la culture.
Quarante entretiens menés auprès des lecteurs et du personnel
Ci-dessus Lecteurs en Haut-de-jardin, photographies de Igor Babou Plus d’infos bnf.fr/documents/ rapport_habiter_bnf.pdf
à l’environnement et aux services offerts – malgré l’assiduité et la satisfaction régulièrement mesurées par des enquêtes quantitatives. Il importait donc de mieux comprendre les motivations de ce public : que représente le Haut-de-jardin pour lui ? De quelle manière habite-t-il ce lieu ? En plus des entretiens conduits avec des personnels de la BnF, une trentaine d’entretiens longs ont été réalisés avec des usagers, complétés par une campagne photographique permettant de capter les ambiances, les postures, les façons d’habiter l’espace. Les chercheurs ont porté une attention particulière à l’implicite des pratiques, c’est-à-dire à ce qui est devenu tellement naturel que cela ne se voit plus (les stratégies pour se concentrer, être efficace, etc.) ou ne se dit plus (le sentiment d’être chez soi, d’être « bien »). Une cinquantaine d’entretiens courts avec des publics potentiels ont aussi été réalisés dans des bibliothèques et des espaces avoisinants.
Cette enquête est partie d’un étonnement : en lieu et place du « grand public » attendu en Haut-de-jardin, campe un public jeune (28 ans en moyenne), en majorité étudiant, travaillant le plus souvent sur ses propres documents. Un rapide regard dans une salle de lecture pourrait donner l’impression d’usagers consommateurs d’espace, peu sensibles