references
AUDITORIUMS LIVRES SPOLIÉS
25
que ces collections sont devenues. Puis ce sont les collections des émigrés allemands, notamment juifs, qui ont été saisies et des personnalités ou organismes des milieux radicaux, socialistes et communistes. La troisième logique, c’est l’antisémitisme : ces saisies ont accompagné la mise en place de la solution finale. À partir du milieu de 1942, les bibliothèques des familles juives traquées, emprisonnées puis déportées, ont été emportées en Allemagne ou entassées dans des lieux de stockage. Cela a commencé par les gens connus et reconnus, des historiens, des professeurs à la Sorbonne, des critiques d’art… S’emparer de ces bibliothèques familiales et souvent professionnelles répondait à la volonté de détruire une culture.
C : Que sont devenus ces livres ? M. P. : On ne saura jamais combien de
LIVRES SPOLIÉS
Colloque international « Où sont les bibliothèques spoliées par les nazis ? Tentatives d’identification et de restitutions, un chantier en cours » Jeudi 23 mars 2017 à la BULAC 65, rue des Grands moulins, Paris 13e Vendredi 24 mars 2017 De 9 h 15 à 18 h 30 BnF I François-Mitterrand Petit auditorium – hall Est
1. Livres pillés, lectures surveillées : les bibliothèques françaises sous l’Occupation, Gallimard, « Folio », 2013
livres ont été spoliés en France : entre 5 et 10 millions. À la Libération, une commission « pour la récupération artistique » a été mise en place. Parmi les sous-commissions, l’une avait pour mission de retrouver les livres, en France, en Allemagne et ailleurs. Plus de deux millions de documents ont été récupérés selon l’estimation de Jenny Delsaux, bibliothécaire à la Sorbonne, qui avait accepté d’organiser ce travail. Pendant six ans, inlassablement, avec un personnel et des moyens dérisoires, elle a retrouvé les dépôts de collections spoliées et dispersées, les a fait revenir, classer, identifier et restituer. Mais une grande part des documents n’a jamais été localisée. Et en 1949, il a été mis fin à l’activité de la commission : il fallait tourner la page.
C : Quel est l’objectif de ce colloque ? M. P. : Bien entendu, faire progresser la
Des millions de livres, archives, manuscrits, estampes ont été saisis par les forces nazies durant la Seconde Guerre mondiale. Si les historiens se sont d’abord penchés sur les spoliations d’œuvres d’art, divers travaux, ces dernières années, ont fait ressurgir la mémoire de ces documents. Martine Poulain, historienne des bibliothèques¹, organise un colloque international sur cette question.
Colloque organisé par le centre Gabriel Naudé de l’Enssib, l’institut d’Histoire du temps présent et l’université de Paris Diderot, avec le soutien de la BnF, la Fondation pour la mémoire de la Shoah et la BULAC Ci-dessus Déchargement de livres spoliés pendant l’Occupation à destination de la France au titre des réparations Allemagne, 1946 Coll. Mémorial de la Shoah
l’ampleur des spoliations de livres sous l’Occupation ? Martine Poulain : Plusieurs logiques sont à l’œuvre. La logique de guerre : ce sont d’abord les archives et bibliothèques de ministères stratégiques qui ont été touchées. Il y a une logique nationaliste et expansionniste : l’idée de conquête de territoires du Grand Reich qui prépare l’invasion de l’Europe de l’Est explique qu’à Paris, aux premiers jours de l’Occupation, on a saisi les bibliothèques qui avaient été créées par des émigrés, la bibliothèque Tourgueniev, la bibliothèque polonaise… On ne sait toujours pas aujourd’hui ce
Chroniques : Comment s’explique
connaissance que l’on a de ces spoliations, notamment la localisation actuelle des bibliothèques spoliées. Et aussi stimuler les recherches, particulièrement dans les pays de l’est de l’Europe qui, en retrouvant leur liberté, ont découvert ces documents. De vastes questions restent ouvertes.